Martin Luther King naît le 15 janvier 1929 à Atlanta, d’un pasteur baptiste, Martin Luther King Sr., et d’une organiste d’église, Alberta Williams King, et grandira dans un milieu privilégié, pour l’époque, au sein de l’Amérique ségrégationniste. À six ans, il fera sa première expérience de discrimination raciale, quand deux camarades de jeu blancs, entrés dans des écoles ségrégationnistes, le fuiront, car plus autorisés à jouer avec lui.
Après avoir sauté deux années de high school (lycée), il entre, à quinze ans, au Morehouse College, une université réservée aux garçons noirs. Il en sortira avec le diplôme de Bachelor of Arts en sociologie en juin 1948, et rentrera au Crozer Theological Seminary, pour un Bachelor of Divinity en Pennsylvanie (licence en théologie) en mai 1951 ; il obtiendra son doctorat en théologie le 18 juin 1955, à l’université de Boston.
Dans sa jeunesse, il aura été influencé par l’oeuvre de Karl Marx, Gandhi, Norman Thomas et de Reinhold Niebuhr. Il épouse Coretta Scott, le 18 juin 1953, et ceux-ci auront quatre enfants : Yolanda (1955), Martin Luther King III (1957), Dexter Scott (1961), et Bernice (1963).
Montgomery, le début de la lutte
En 1954, lorsqu’il arrive à Montgomery (Alabama), le Sud des États-Unis est marqué par les violences commises contre les Noirs, culminant en 1955 avec le meurtre raciste d’Emmett Till, un adolescent de 14 ans, du pasteur engagé George W. Lee et du militant des droits civiques Lamar Smith.
Le 1er décembre 1955, lorsque Rosa Parks est arrêtée pour avoir violé les lois ségrégationnistes de la ville en refusant de céder sa place à un Blanc, il mène le boycott des bus de Montgomery avec l’aide du pasteur Ralph Abernathy et d’Edgar Nixon (pour plus de détails nous vous invitons à découvrir notre article de décembre dernier sur la grève des bus de Montgomery). Le boycott se terminera par une décision de la Cour suprême des États-Unis, le 21 décembre 1956, déclarant illégale la ségrégation dans les autobus, restaurants, écoles et autres lieux publics. En 1957, il jouera un rôle capital dans la fondation de la Southern Christian Leadership Conference, dont il sera élu président et le restera jusqu’à sa mort.
La SCLC est une organisation pacifique qui participe activement au Mouvement pour les droits civiques, organisant les églises afro-américaines pour conduire des protestations non-violentes. King adhèrera à la philosophie de désobéissance civile non-violente, comme décrite par Henry David Thoreau et utilisée avec succès en Inde par Gandhi. Il exposera, en 1958, son point de vue sur la ségrégation et la spirale d’inégalité et de haine qu’elle provoque dans le livre « la marche vers la liberté » :
« Souvent, les hommes se haïssent les uns les autres parce qu’ils ont peur les uns des autres ; ils ont peur parce qu’ils ne se connaissent pas ; ils ne se connaissent pas parce qu’ils ne peuvent pas communiquer ; ils ne peuvent pas communiquer parce qu’ils sont séparés. »
Le 20 septembre de la même année, alors qu’il signe des exemplaires de son livre dans un magasin à Harlem, il est poignardé à la poitrine par une femme noire qui l’accuse d’être un chef communiste (elle sera jugée comme déséquilibrée). Martin Luther King échappe de peu à la mort, la lame du coupe-papier utilisée ayant frôlé l’aorte. Martin Luther pardonnera à son agresseur et, dans une déclaration à la presse, soulignera la violence de la société américaine.
En 1959, il écrit le livre La Mesure d’un homme, une tentative pour dépeindre une structure optimale de société politique, sociale et économique. Deux ans plus tard, le FBI commencera à mettre Martin Luther King sur écoute, craignant que des communistes essayent d’infiltrer le mouvement des droits civiques. Bien qu’aucune preuve concrète n’ait été trouvée, l’agence utilisera certains détails – enregistrés sur une durée de six ans – pour essayer de le faire renvoyer de son rôle de dirigeant de l’organisation ; sans succès.
Martin Luther King prône que des protestations organisées et non-violentes contre le système de ségrégation du Sud – connu comme les lois Jim Crow – amèneront une importante couverture médiatique du conflit pour son combat. Et en effet, les comptes-rendus des journalistes et les reportages de la télévision montrant les privations et humiliations quotidiennes des Afro-Américains du Sud des États-Unis, ainsi que la violence et le harcèlement déployés par les ségrégationnistes contre les militants des droits civiques, produiront une vague de sympathie pour le mouvement des droits civiques, au sein de l’opinion publique ; devenant le sujet politique le plus important de l’Amérique des années 1960. Au reste, tout au long des diverses manifestations, Martin Luther et le SCLC appliqueront avec succès les principes de non-violence en choisissant stratégiquement les lieux et la méthode de protestation, aboutissant parfois à des confrontations spectaculaires avec les autorités ségrégationnistes.
Albany et Birmingham, l’ascension
À Albany (Géorgie), entre 1961 et 1962, Martin Luther King rejoint brievement les militants locaux du Student Nonviolent Coordinating Committee (SNCC), et du National Association for the Advancement of Colored People ; ceux-ci ne parvenant pas à faire avancer le mouvement malgré des actions non-violentes efficaces. Une déroute due à l’habileté du shérif local Pritchett, qui procède à des arrestations massives sans violence et une dispersion des prisonniers dans tout le comté. Alors qu’il ne compte rester que quelques jours, et n’avoir qu’un rôle de conseiller, il est interpellé lors d’une arrestation massive de manifestants pacifiques. Il refusera de payer la caution tant que la ville ne fait pas de concessions ; les accords passés seront « déshonorés et violés par la ville » dès son départ. Il revient donc en juillet 1962, et sera condamné à 45 jours de prison (ou 178 $ d’amende) ; alors qu’il choisit la prison, il sera discrètement libéré au bout de trois jours par le shérif Pritchett, s’arrangeant pour faire payer son amende afin d’éviter l’embrasement des rues.
Après presque un an de militantisme sans résultats tangibles, le mouvement commence à faiblir et à se diviser entre radicaux et modérés. Lors d’une manifestation, des jeunes Noirs jettent des pierres sur la police : Martin Luther King demande une suspension de toutes les protestations et un « jour de pénitence » pour promouvoir la non-violence et maintenir le moral ; il sera à nouveau arrêté et détenu deux semaines. En outre, si malgré la mobilisation le mouvement à Albany ne réussira pas à obtenir des résultats immédiats, il servira de leçon stratégique à King et au mouvement qui se concentreront désormais sur des sujets spécifiques pour favoriser les victoires symboliques.
Dans les années 60, la population de Birmingham (environ 350 000 personnes) est à 65 % blanche. La ville maintient et assure, par la loi locale, la plus grande ségrégation raciale des États-Unis, et ce dans tous les aspects de la vie (aussi bien dans les établissements publics que privés). Seulement 10 % de la population noire est inscrite sur les listes électorales et le niveau de vie moyen est inférieur de moitié à celui des Blancs. L’emploi pour la population noire est limité aux seuls travaux manuels, et le taux de chômage des Noirs est deux fois et demi plus élevé que celui des Blancs ; cinquante attentats racistes non élucidés entre 1945 et 1962 auront donné à la ville le surnom de « Bombingham ».
Après l’arrestation de Shuttlesworth, le pasteur local, en 1962 pour avoir violé les lois ségrégationnistes, et après qu’une pétition au maire a été « jetée à la poubelle » (selon le maire lui-même), le pasteur demandera l’aide de Martin Luther King, en soulignant le rôle crucial de Birmingham dans la lutte nationale pour l’égalité raciale.
Les protestations commencent par un boycott, à Pâques 1963, afin d’inciter les chefs d’entreprise à ouvrir les emplois de vendeurs et d’autres postes aux personnes de toute races, et à arrêter la ségrégation dans les magasins (sous la forme, par exemple, de caisses réservées aux Blancs). Les dirigeants économiques résistant au boycott, King et le SCLC commenceront une série de manifestations non-violentes, telles que des sit-ins dans les restaurants et bibliothèques, agenouillement de personnes noires dans les églises réservées aux Blancs, marches de protestation pacifiques, pour provoquer des arrestations. Martin Luther King sera lui-même arrêté le 13 avril, écrira la célèbre Lettre de la prison de Birmingham, un traité définissant sa lutte contre la ségrégation. Il reçoit un soutien direct du président John Fitzgerald Kennedy ; il sera libéré une semaine plus tard.
Alors que la campagne n’a plus assez de volontaires, les organisateurs, malgré les hésitations de Martin Luther King, recruteront des étudiants et des enfants dans ce qui est appelé par les médias « la croisade des enfants ». Le 2 mai, des centaines d’étudiants, lycéens et écoliers sont arrêtés de manière violente par la police qui utilisera des chiens, mais aussi des jets d’eau à haute pression ultra violente. Les scènes de violences policières largement relayées par les médias causent des réactions internationales et mettent en lumière la ségrégation raciale ayant lieu dans le Sud des États-Unis. Le sénateur de l’Oregon, Wayne Morse, comparera Birmingham à l’apartheid en Afrique du Sud. Les prisons sont pleines, certains enfants se présentant directement devant elles en chantant pour être arrêtés. La ville est au bord de l’effondrement civil et économique, car plus aucun commerce du centre-ville ne fonctionne. Le gouverneur de l’Etat, George Wallace, envoie la police de l’État pour soutenir Eugene « Bull » Connor, le chef de la police locale ; Robert Francis Kennedy enverra la Garde nationale pour éviter tout débordement. Le 21 mai le maire démissionne, le chef de la police est renvoyé et en juin toutes les pancartes ségrégationnistes sont enlevées et les lieux publics ouverts aux Noirs.
À la fin de la campagne, la réputation de King s’est considérablement renforcée et Birmingham est un élément du succès de la marche vers Washington. Le dimanche 15 septembre, un attentat à la bombe du Ku Klux Klan contre l’église baptiste de la 16e rue, pendant la prière, provoque la mort de quatre jeunes filles noires et blesse 22 enfants. L’attaque provoque l’indignation nationale et renforce le mouvement des droits civiques.
La Marche sur Washington
Représentant le SCLC, Martin Luther King dirige l’une des six grandes organisations qui organisent la marche sur Washington pour l’emploi et la liberté, et sera l’un de ceux qui acceptera le souhait du président John F. Kennedy : changer le message de la marche.
En effet, le président — qui avait déjà soutenu publiquement Martin Luther King, et était déjà intervenu plusieurs fois pour le faire sortir de prison — s’était initialement opposé au principe de la marche, car il craignait un impact négatif sur le vote de la loi sur les droits civiques. Le but initial de la marche était de montrer la situation désespérée des Afro-Américains des États du Sud et l’échec du gouvernement fédéral à assurer leurs droits et leur sécurité. Le groupe des six acceptera sous la pression et l’influence présidentielle de passer un message moins radical. Certains militants des droits civiques estimerons que la marche ne présente plus qu’une vision édulcorée de la situation des Noirs ; Malcolm X l’appelle alors « La farce sur Washington », et les membres de l’organisation Nation of Islam qui participent à la marche seront suspendus temporairement. La marche aura toutefois des revendications inflexibles : la fin de la ségrégation raciale dans les écoles publiques ; une législation significative sur les droits civiques (incluant une loi interdisant la discrimination raciale dans le monde du travail) ; une protection des militants des droits civiques contre la violence policière ; un salaire minimum de 2 $ de l’heure, pour tous les travailleurs sans distinction ; un gouvernement indépendant pour Washington, D.C., qui dépend alors d’un comité du congrès.
En dépit des tensions, la marche est un énorme succès. Plus de 250 000 personnes de toutes les ethnies se réuniront le 28 août 1963 face au Lincoln Memorial, dans ce qui est la plus grande manifestation ayant eu lieu jusque-là dans l’histoire de la capitale américaine. Le point d’orgue du combat de Martin Luther King sera son célèbre discours « I have a dream », où il manifestera sa volonté et son espoir de connaître un jour une Amérique fraternelle. Cette déclaration est aujourd’hui considérée comme un des meilleurs discours de l’histoire américaine (avec le celui de Gettysburg prononcé par Abraham Lincoln).
Civil Rights Act et prix Nobel de la paix
Malgré l’arrêt de 1954 de la Cour suprême Brown v. Board of Education, qui déclare la ségrégation raciale inconstitutionnelle dans les écoles publiques, seuls six enfants noirs sont admis dans les écoles blanches à Saint Augustine en Floride. Les maisons de deux familles de ces enfants sont brûlées par des ségrégationnistes blancs et d’autres familles sont forcées de quitter la région parce que les parents sont renvoyés de leur emploi et n’arrivent plus à en retrouver d’autre localement.
En mai et juin 1964, une action directe est menée par Martin Luther King et d’autres dirigeants des droits civiques : une marche de nuit autour de l’ancien marché aux esclaves voit les manifestants attaqués par des ségrégationnistes et entraînera des centaines d’arrestations. Les prisons étant trop petites, les détenus sont parqués en plein soleil les jours suivants ; des manifestants seront même jetés à la mer par la police, manquant de se noyer, lors d’une tentative pour rejoindre les plages Anastasia Island réservées aux Blancs.
La tension atteint son comble lorsqu’un groupe de manifestants noirs et blancs se jettent dans la piscine du motel Monson, interdite aux Noirs. La photographie d’un policier plongeant pour arrêter un manifestant et celle du propriétaire du motel versant de l’acide chlorhydrique dans la piscine pour faire sortir les militants firent le tour du monde et servirent même aux États communistes pour discréditer le discours de liberté des États-Unis. Les manifestants endureront les violences physiques et verbales sans riposter, ce qui entraîne un mouvement de sympathie nationale et aide au vote du Civil Rights Act le 2 juillet 1964.
Le 14 octobre 1964, Martin Luther King devient le plus jeune lauréat du prix Nobel de la paix pour avoir mené une résistance non-violente dans le but d’éliminer les préjudices raciaux aux États-Unis.
Dimanche sanglant et Voting Rights Act
En décembre 1964, Martin Luther et le SCLC joignent à nouveau leurs forces à celles du Student Nonviolent Coordinating Committee (SNCC) à Selma (Alabama), pour travailler à l’enregistrement des électeurs noirs sur les listes électorales. La moitié des habitants de la ville sont noirs, mais seul 1 % d’entre eux sont inscrit sur les listes électorales. Ainsi, le 7 mars 1965, 600 défenseurs des droits civiques quitteront Selma pour rejoindre Montgomery, capitale de l’État, afin de présenter leurs doléances au moyen d’une marche pacifique. Ils sont arrêtés au bout de quelques kilomètres par la police et une foule hostile les repoussera violemment à coup de matraques et de gaz lacrymogène.
Ce jour sera connu sous le nom de “Bloody Sunday” et marquera un nouveau tournant dans la lutte pour les droits civiques. Les reportages montrant les violences policières permettront au mouvement de gagner encore davantage le soutien de l’opinion publique, soulignant le succès de la stratégie non-violente de Martin Luther King, qui ne sera toutefois pas présent lors de cette première marche. Deux jours après, Martin Luther mènera une marche symbolique jusqu’au pont.
3 200 marcheurs partent finalement de Selma le dimanche 21 mars 1965, parcourant 20 km par jour et dormant dans les champs. C’est pendant ce trajet que Willie Ricks élabora le terme « Black Power ». Au moment où ils atteignent le capitole de Montgomery, le jeudi 25 mars, les marcheurs sont 25 000. Le jour même, la militante blanche des droits civiques Viola Liuzzo est assassinée par le Ku Klux Klan, alors qu’elle ramène des marcheurs dans sa voiture. Martin Luther assiste à ses funérailles et le président Johnson intervient directement à la télévision pour annoncer l’arrestation des coupables ; moins de cinq mois plus tard, le président Johnson signait le Voting Rights Act accordant le droit de vote sans restriction.
Intermaide Chicagoans
En 1966, Martin Luther King et d’autres organisations essayent d’étendre le mouvement vers le nord, Chicago devenant le nouvel objectif principal. Martin Luther et Ralph Abernathy, tous les deux de classe moyenne, déménageront vers les bidonvilles de Chicago, dans le cadre d’une expérience éducative, pour montrer leur soutien et empathie avec les pauvres. La SCLC formera une alliance avec la CCCO (Coordinating Council of Community Organizations) et le CFM (Chicago Freedom Movement).
Au printemps, des tests sont réalisés par des couples, noirs ou blancs, afin de dévoiler les pratiques discriminatoires des sociétés immobilières. Les tests révèlent que la sélection des couples qui postulent pour un logement n’est aucunement basée sur le revenu, le parcours, le nombre d’enfants ou d’autres caractéristiques socio-économiques (car les couples ont exactement les mêmes), mais bien sur la couleur de peau.
Alors que plusieurs grandes marches pacifiques sont organisées dans Chicago, Abernathy soulignera que l’accueil leur étant réservé fut pire que dans le Sud ; ils sont reçus par une foule haineuse et des lancers de bouteilles. Martin Luther King et Abernathy commencent à craindre qu’une émeute se déclenche ; les croyances de Martin Luther King se heurtent à sa responsabilité de provoquer un affrontement violent. Il conduira néanmoins ces marchés malgré des menaces de mort personnelle ; la violence à Chicago sera si intense qu’elle bouleversa les deux amis.
Abernathy ne pourra supporter les conditions de vie dans les taudis et déménagera secrètement après un court moment ; Martin Luther King restera pour écrir sur l’impact émotionnel de vivre dans des conditions aussi dures. Quand Martin Luther et ses alliés retournent chez eux, ils laissent Jesse Jackson, un jeune séminariste qui avait déjà participé aux actions dans le Sud, qui organise les premiers boycotts réussis pour le droit à l’accès aux mêmes emplois, ce qui sera un succès tel qu’il débouchera sur le programme d’opportunités égales dans les années 1970.
Chantre de l’opposition à la guerre du Viêt Nam et la pauvreté
Dès 1965, Martin Luther King exprime ses doutes sur le rôle des États-Unis dans la guerre du Viêt Nam. Le 4 avril 1967, un an avant sa mort, il fera à New York le discours « Au-delà du Viêt Nam : le moment de briser le silence ». Il y dénoncera l’attitude des États-Unis au Viêt Nam, insistant sur le fait « qu’ils occupent le pays comme une colonie américaine », et dira du gouvernement américain qu’il était « le plus grand fournisseur de violence dans le monde aujourd’hui ». En effet, il considère que le conflit au Viêt Nam rend difficile l’atteinte des objectifs énoncés par Johnson de 1964, annonçant une « guerre contre la pauvreté ». AInsi, Martin Luther King, déjà haï par de nombreux Blancs racistes des États du Sud, retournera par ce discours de nombreux médias importants contre lui ; le Time dira de son discours qu’il n’est qu’une calomnie démagogique ressemblant à un script de Radio Hanoi, et le Washington Post que King aura diminué son utilité à sa cause, son pays, son peuple.
Martin Luther déclare souvent que le Viêt Nam du Nord « n’avait pas commencé à envoyer un grand nombre de provisions ou d’hommes tant que les forces américaines n’étaient pas arrivées par dizaines de milliers ». Il accuse également les États-Unis d’avoir tué un million de Vietnamiens, « surtout des enfants » ; il proposera notamment, dans une lettre, le moine bouddhiste et pacifiste vietnamien Thích Nhất Hạnh, qui lutte pour l’arrêt du conflit, au prix Nobel de la paix de l’année 1967.
Martin Luther questionne « l’alliance avec les propriétaires terriens de l’Amérique latine » et demande pourquoi les États-Unis répriment au lieu de soutenir les révolutions des « peuples pieds-nus et sans chemise » du tiers monde.
Le discours est un reflet de l’évolution politique de Martin Luther King dans ses dernières années, due en partie à son affiliation avec le Highlander Research and Education Center progressiste. Martin Luther commence à parler d’un besoin de changements fondamentaux dans la vie politique et économique de la nation. Il exprime plus fréquemment son opposition à la guerre et le besoin de redistribuer les ressources pour corriger les injustices raciales et sociales.
Martin Luther King a lu Marx alors qu’il était à Morehouse, mais tandis qu’il rejette le « capitalisme traditionnel », il rejette également le communisme à cause « de son interprétation matérialiste de l’histoire » qui nie la religion, son « relativisme ethnique » et son « totalitarisme politique ».
À partir de novembre 1967, King et l’équipe du SCLC se réunissent pour discuter de la nouvelle législation, des émeutes raciales (hot summers) et de l’apparition du Black Power. Ils décidèrent alors d’organiser la Poor People’s Campaign (la Campagne des pauvres) afin de lutter pour la justice sociale. Qualifiée par le pasteur de « seconde phase dans le mouvement des droits civiques », celle-ci visera à lutter contre la pauvreté, d’où qu’elle vienne, et ne se restreindra plus à la défense des Afro-Américains. King affirmait alors :
« Ce ne doit pas être seulement les gens noirs, mais tous les pauvres. Nous devons inclure les Amérindiens, les Portoricains, les Mexicains, et même les Blancs pauvres. »
Cependant, la campagne n’est pas soutenue par tous les dirigeants du mouvement. Leur opposition inclut des arguments sur le fait que les buts de la campagne sont trop larges, les demandes irréalisables et que cela accélérera le mouvement de répression contre les pauvres et les Noirs. Martin Luther King traversera donc le pays de long en large pour rassembler une « armée multiraciale des pauvres » qui marcherait sur Washington et engagerait une désobéissance civile pacifique au Capitole (si besoin est jusqu’à ce que le Congrès signe une déclaration des droits de l’homme du pauvre). Le Reader’s Digest parlera d’une « insurrection ».
Cette « déclaration des pauvres » demandera un programme d’emplois gouvernementaux pour reconstruire les villes américaines ; il y sera également question de l’adoption d’une charte des droits économiques pour les pauvres, l’inscription dans la loi du salaire minimum, la participation de comités de pauvres au processus législatif, une redistribution des richesses et des constructions de logements sociaux. Martin Luther King verra un besoin urgent de se confronter au Congrès (qui avait démontré son « hostilité aux pauvres » en « distribuant les fonds militaires avec générosité » mais donnant « des fonds aux pauvres avec avarice »). Sa vision est plus révolutionnaire que réformatrice : il cite les défauts systématiques du racisme, de la pauvreté, du militarisme. L’assassinat de Luther King, en avril 1968, affectera lourdement la campagne ; celle-ci, lancée en mai, culminera avec une marche sur Washington, sans réussir toutefois à atteindre ses objectifs.
Du sang et des larmes
Fin mars 1968, Martin Luther King est à Memphis (Tennessee) pour soutenir les éboueurs noirs locaux, en grève depuis le 12 mars, afin d’obtenir un meilleur salaire et un meilleur traitement. Des violences éclatent autour des marches pacifiques, et un jeune noir trouvera la mort. Le 3 avril, au Mason Temple, Martin Luther fera le discours prophétique « I’ve Been to the Mountaintop » devant une foule euphorique.
Le 4 avril 1968 à 18 h 01, Martin Luther King est assassiné alors qu’il se trouve sur le balcon du Lorraine Motel. Ses amis à l’intérieur de la chambre du motel entendent des coups de feu et courent sur le balcon pour trouver Martin Luther King abattu d’une balle dans la gorge. Ses derniers mot d’après Jesse Jackson sont « Oh mon Dieu ». Il est déclaré mort au St. Joseph’s Hospital à 19 h 05.
L’assassinat provoque une vague d’émeutes raciales dans 60 villes des États-Unis (125 au total) qui fait de nombreux morts et nécessite l’intervention de la Garde nationale. Cinq jours plus tard, le président Johnson déclare un jour de deuil national, le premier pour un Afro-Américain, en l’honneur de Martin Luther King. 300 000 personnes assistent à ses funérailles le même jour.
À la demande de sa veuve, Martin Luther fit sa propre oraison funèbre avec son dernier sermon « Drum Major » enregistré à l’Ebenezer Baptist Church. Dans ce sermon, il demande qu’à ses funérailles aucune mention de ses honneurs ne soit faite, mais qu’il soit dit qu’il avait essayé de « nourrir les affamés », « habiller les nus », « être droit sur la question du Viêt Nam » et « aimer et servir l’humanité ». À sa demande, son amie Mahalia Jackson chante son hymne favori, Take My Hand, Precious Lord ; la ville de Memphis négociera la fin de la grève d’une manière favorable aux éboueurs après l’assassinat.
L’autopsie de King révéla que, bien qu’il ait seulement 39 ans, son cœur paraissait celui d’un homme âgé de 60 ans, montrant physiquement l’effet du stress de 13 ans dans le mouvement des droits civiques. Entre 1957 et 1968, King avait parcouru plus de 9,6 millions de kilomètres (en octobre 1965 puis en mars 1966, il est notamment venu en France à l’invitation du comité de soutien franco-américain pour l’intégration raciale), parlé en public plus de 2 500 fois, été arrêté par la police plus de vingt fois et agressé physiquement au moins quatre fois.
Il a porté la vérité sur la ségrégation, la pauvreté, la guerre au Vietnam. J’ignorai qu’il avait aussi critique l’action des USA en Amérique du Sud. On comprend pourquoi il a été assassiné.
Dans votre énumération de sa vie il manque la visite que fit Martin Luther King à Lyon en mars 1966 avec le discours qu’il prononça à la Bourse le 26 mars devant une salle archi comble; conférence présidée par le pasteur Jacques Martin qui l’avait reçu à l’aéroport de Bron avec entre autres Robert Vial, Libre penseur (que j’ai connu), le pasteur Daniel Atger.
Pour ma part j’avais entendu Martin Luther King prêché lors du culte à l’Église américaine du Quai d’Orsay à Paris.
Issu d’un milieu ultra-bourgeois il m’a fait découvrir une autre Amérique bien différente de celle de Boston où mes parents avaient étudié. Puis, ce fut mai 68 et d’autres découvertes. 20 ans plus tard, j’ai rejoint l’Amérique qui a objectivement changé, marquée par un Pasteur qui rêvait …
Oui, je sais, ce n’est pas politiquement correct de dire cela, mais c’est une réalité, même si Trump est un accident de parcours
L’idole de mes 20 ans