Par David Reinharc
Les Assyro-Chaldéens sont un peuple chrétien du Proche-Orient, parlant et écrivant le syriaque, proche de l’araméen, et appartenant à une des églises orientales nées à la fin du IVe siècle dans l’Empire romain.
Peuple sans nation
Si le terme d’assyro-chaldéen est sujet à débat, puisqu’il désigne d’abord les chrétiens nestoriens, il a l’avantage de reconnaître que les Assyriens puis les Chaldéens, abstraction faite de leurs divergences religieuses (les chrétiens d’Orient se répartissent aujourd’hui en 22 églises différentes), appartiennent de fait au même groupe ethnique. Sorti de la nuit des temps, revendiquant une filiation directe avec les Babyloniens ou les Assyriens antiques, écartelé entre l’Irak, l’Iran et la Turquie, ce peuple, au fil des siècles, des persécutions et des départs, a dû en partie fuir l’Orient. C’est un peuple sans nation : de leur tentative de faire valoir leur droit à posséder un territoire national, à Lausanne, en 1923, il ne reste rien. Leur langue est d’ailleurs en danger critique d’extinction. Désormais, les quelque trois millions d’Assyro-Chaldéens sont répartis en deux moitiés égales entre l’Orient et l’Occident.
Sarcelles, capitale française
Sarcelles, avec qui la Licra, grâce à Patrick Kahn, a récemment entériné un partenariat sous convention, est devenue la capitale des Assyro-Chaldéens en France puisqu’ils sont environ 14 000 à s’y être établis. La foi, la religion et la langue servent de ciment. Cela étant, n’ayant plus d’espoir de retour, l’assimilation est une réalité. La langue, pour paraphraser Franz Kafka parlant de l’histoire, est cette chose que tout homme reçoit gratuitement en partage. Compte tenu de la précarité du statut de l’araméen et de la menace de destruction violente qui pèse sur lui (comme en Irak où l’enseignement en langue araméenne est interdit à partir de 1963), ou, dans le meilleur des cas, de dilution dans la société d’accueil, ses locuteurs semblent sans cesse acculés à soutenir leur langue et à lutter pour elle. La ville de Sarcelles a été aussi la première à ériger une stèle à la mémoire des martyrs Assyro-Chaldéens.
Persécutions de l’empire ottoman à l’État islamique
700 000 Assyriens sont morts, en même temps qu’un million et demi d’Arméniens, victimes du génocide élaboré par le pouvoir ottoman entre 1915 et 1918. Cibles de l’État islamique après l’avoir été de Saddam Hussein, dont les forces ont tué près de 2 000 Assyro-Chaldéens dans le cadre de la politique d’arabisation de la région, ils ont été un peu partout contraints à l’exil à cause du réveil des extrémismes religieux. La chute de Saddam Hussein n’a pas permis aux Assyro-Chaldéens un retour au pays, en raison notamment de la montée des attentats islamistes contre les minorités. En France, l’extrême droite instrumentalise cette mémoire douloureuse, en même temps que des réseaux islamistes tentent de bloquer une approche historique apaisée. Aussi, dans ce climat aux arrière-pensées très politiques, la Licra a entamé, par le biais de la Commission mémoire et histoire, un vrai travail sur le passé de ce peuple. Au temps présent, les Assyro-chaldéens en exil de leurs villages, passés de la montagne rude aux ensembles HLM, tentent, avec amour et angoisse, de sauver leur patrimoine, notamment en Irak et en Syrie, tenant à leur culture comme on tient aux choses fragiles et périssables, qui, si l’on ne fait rien, sont condamnées.
Réfugiés assyriens s’installant dans un nouveau village en Syrie. 1939. Photographie de John David.
Sarcelles, terre d’accueil
Patrick Kahn souhaite mener une expérimentation similaire (lutte contre le racisme et l’antisémitisme ainsi que prévention à la radicalisation) à celle initiée à Vaulx-en-Velin. Après trois ans de négociation, la Licra a signé en juin dernier, une convention triennale avec la ville de Sarcelles et d’autres acteurs associatifs comme SOS Racisme et l’UEJF. C’est dans ce cadre-là, que Patrick Kahn et son équipe travaillent à l’élaboration d’un livret décrivant la richesse de Sarcelles, terre d’accueil ; il sera évidemment question des chrétiens d’Orient et des Assyro-Chaldéens en particulier.
Le Moyen-Orient syriaque. La face méconnue des Chrétiens d’Orient, Éditions Salvator, 2019, 278 p., 20 euros.
Oubliés de tous. Les Assyro-Chaldéens du Caucase, Joseph Yacoub et Claire Yacoub, Éditions du Cerf, 2015, 316 p., 29 euros.