La France n’est pas un produit de réclame électorale auquel on pourrait adosser des slogans indigestes et des amalgames honteux.
L’Histoire a montré les dévoiements auxquels ces pantalonnades pouvaient conduire. La France ne saurait être l’instrument inanimé des démagogues et des aventuriers prêts à toutes les gesticulations identitaires pour parvenir à leurs fins. Le tract récemment diffusé par le parti « Les Républicains » et intitulé « Pour que la France reste la France » a franchi une ligne au delà de laquelle le risque politique pour notre démocratie, pour la nation et pour nos valeurs est considérable.
S’il ne s’agit pas pour la LICRA de s’immiscer dans le jeu politique et les débats internes à telle ou telle formation politique, il est en revanche de notre devoir d’alerter l’opinion sur la responsabilité de la parole politique dans le maintien du contrat social et la garantie de la paix civile. La rhétorique qui consiste à énumérer, pour ne pas dire amalgamer, immigration, terrorisme et délinquance ne sert ni la France, ni ses valeurs. L’expression publique, et a fortiori politique, exige du sang-froid et de la rationalité pour faire face aux extrémismes politiques et religieux qui agitent des passions mensongères et des sentiments vénéneux.
Si la France veut être à la hauteur de ses valeurs, fidèle à son histoire, forte de ses sacrifices, si on veut que « la France reste la France », alors elle doit renouer avec ceux qui, avant nous, ont pétri d’une main généreuse et fraternelle l’héritage des Lumières.
La France n’a jamais été autant elle-même que lorsqu’elle a su s’ouvrir au monde avec intrépidité au grand large, portant son destin et son message universaliste bien au-delà d’elle même, ouvrant la porte à l’émancipation des peuples.
La France n’a jamais été autant elle-même que sous la plume de Péguy défendant dans un même élan la République, la France et Dreyfus contre l’extrême-droite antisémite.
La France n’a jamais été autant elle-même qu’en ce soir de décembre 1905 où elle sépara, pour reprendre les mots de Clemenceau, « le domaine de la Loi, à qui tous doivent obéissance, du domaine du Dogme, qui n’est accepté que par une fraction seulement des citoyens ».
La France n’a jamais été autant elle-même que lorsqu’elle était cette espérance qui, au moment où l’Europe sombrait dans la haine, a offert l’exil à tous ceux, venus d’Allemagne, d’Autriche, d’Italie ou d’Espagne, qui voulaient tout simplement échapper à la mort et refusaient d’abjurer leur liberté.
La France n’a jamais été autant elle-même que sur le perron de l’Elysée voyant s’avancer en juin 1979 deux hommes que tout séparait, Jean-Paul Sartre et Raymond Aron, pour plaider auprès du Président de la République que notre pays accueille les boat people mis sur les mers par le totalitarisme.
La France n’a jamais été autant elle-même que lorsqu’elle a compris, sous la plume de mon oncle Bernard Stasi, que « l’immigration était une chance » et non pas sa dissolution par on ne sait quel « Grand remplacement ».
Alors que notre pays est pris d’une fièvre identitaire inédite, la République a besoin de tous les républicains, où qu’ils se trouvent, pour la défendre, c’est-à-dire pour défendre sans jamais reculer la devise gravée au fronton de nos édifices publics.
Si la France veut lutter efficacement contre les périls qui la menacent et qui, de l’extrême-droite aux islamistes en passant par l’extrême gauche indigéniste, ont tous en partage le racisme et l’antisémitisme, elle ne doit rien céder à la facilité des renoncements populistes et des postures électoralistes.
A la LICRA, nous avons éprouvé une grande amertume quand un groupe de députés et de sénateurs des Républicains a exprimé le besoin, visiblement irrépressible, de faire censurer par le conseil constitutionnel les dispositions qui permettaient d’encadrer les écoles confessionnelles hors contrat, dont certaines sont des écoles de la haine et du repli, ou encore celles qui rendaient inéligibles les racistes et les antisémites condamnés comme tels.
Alors oui, pour que la France reste la France, il va falloir pouvoir compter sur tous ceux qui sont attachés à elle pour rappeler au monde que tout dans son âme rejette le populisme.
Mario Stasi
Président de la LICRA