En ce 8 mars 2023, parlons des femmes impliquées dans la lutte contre les discriminations, le racisme et l’antisémitisme. Plusieurs noms s’imposent à la Licra et plus précisément ceux des femmes dont la mémoire est honorée au Panthéon, en particulier Simone Veil et Joséphine Baker.
Évoquer le Panthéon c’est d’abord parler de l’histoire de cette église construite au XVIIIe siècle pour accueillir les restes de Sainte Geneviève. Le 4 avril 1791, l’Assemblée constituante transforme la future église Sainte-Geneviève en « Panthéon des grands hommes » et deviendra le temple républicain choisi pour honorer les personnalités qui ont œuvré pour la France.
L’histoire de ce bâtiment peut être prétexte à évoquer la laïcité qui nous est chère. Au fil des aléas politiques du XIXe siècle, ce temple républicain retrouvera sa fonction d’église et sa devise, « Aux grands hommes, la patrie reconnaissante », inscrite au fronton, disparaitra puis réapparaîtra comme une sorte d’indicateur des relations entre le pouvoir politique et la religion catholique (religion d’État sous la restauration monarchique et le Second Empire).
Il s’agirait aussi réfléchir à cette devise sur son fronton. Nous sommes, il est vrai, loin de l’écriture inclusive et nous pourrions, à cette occasion, rappeler la problématique grammaticale du genre neutre dans notre langue. Selon la Commission générale de terminologie et de néologie, en français moderne, « héritier du neutre latin, le masculin se voit conférer une valeur générique, notamment en raison des règles du pluriel qui lui attribuent la capacité de désigner les individus des deux sexes et donc de neutraliser les genres » (1998).
En ce 8 mars, une autre réflexion s’impose : la place des femmes dans ce haut lieu de la Nation. Elles sont seulement six pour 76 hommes. À l’évidence, la parité n’est pas de mise dans ce haut lieu de la République. Signe des temps, il faudra attendre 1995 pour qu’une femme rentre ici es-qualité.
En 1905, Sophie Berthelot avait rejoint la crypte de la montagne Sainte Geneviève, pour y accompagner son époux. En 1995, Marie Curie est la première femme honorée pour son travail scientifique. En 2015, ce sont Germaine Tillion et Geneviève de Gaulle-Anthonioz, deux résistantes émérites, qui entrent au Panthéon, en même temps que Pierre Brossolette et Jean Zay.
Puis en 2018, Simone Veil, la femme politique engagée pour la cause des femmes et la construction européenne, accompagnée de son époux, est honorée par la Nation et en 2021, c’est le cénotaphe de l’artiste et résistante franco-américaine Joséphine Baker qui est accueilli dans la crypte du Panthéon.
La panthéonisation de Simone Veil et celle de Joséphine Baker prennent un sens tout particulier pour les membres de la Licra, dans la mesure où toutes deux furent aussi engagées aussi dans les combats de notre association. Membre de son Comité d’Honneur depuis 1981, Simone Veil demeurera, pour nos militants, un exemple et une source d’inspiration. Son histoire personnelle et l’histoire de ses engagements politiques peuvent permettre d’aborder quelques grandes problématiques qui traversent les programmes d’histoire-géographie et d’enseignement moral et civique (EMC) du collège, comme le sort des juifs pendant la Seconde Guerre mondiale ou la Résistance, mais aussi deux grands enjeux sociopolitiques de l’après-guerre : la libération des femmes et la construction Européenne. Simone Veil illustre aussi la percée des femmes en politique sous la Ve République et ce long chemin de la parité dans les différentes institutions de notre démocratie. Ses différents ouvrages lui valurent de revêtir l’habit vert. Aujourd’hui encore, son image cristallise la haine antisémite comme l’avait montré, il y a quelques années, le taggage d’une croix gammée sur une boîte aux lettres parisienne, où figurait son portrait réalisé par l’artiste Christian Guémy alias C215.
Cette triste actualité peut être un exemple concret pour faire prendre conscience à nos élèves de la persistance du phénomène antisémite.
Dans un autre registre, le parcours de Joséphine Baker est aussi d’un grand intérêt pédagogique, tant en matière artistique et culturelle qu’historique avec son engagement dans la Résistance.
Sa propre histoire et sa présence aux côtés de Martin Luther King permettent d’aborder la ségrégation raciale aux États-Unis, l’histoire de l’esclavage, la lutte pour les droits civiques. Elle est une des figures françaises du combat contre le racisme sous toutes ses formes. Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, le journaliste Bernard Lecache (président de la Lica) demanda à Joséphine Baker de devenir sa « déléguée internationale à la propagande » et de soutenir le combat antiraciste grâce à sa notoriété. L’artiste militante construisit des liens indéfectibles avec notre association. Au cours des années 1950-1960, elle intervint activement dans ses meetings et ses galas. Sa période de tournées s’acheva en mai 1957. Avec sa « tribu arc-en-ciel », elle illustre, à sa manière, avec son époux Jo Bouillon une forme d’utopie universaliste qui fait résonner la fraternité entre les peuples et les enfants du monde.
Simone Veil et Joséphine Baker ont fait l’objet, l’une comme l’autre, d’albums pour la jeunesse et de bandes dessinées. Elles peuvent incarner une forme d’héroïsme contemporain qui peut inspirer la jeunesse et l’encourager à se mobiliser, à son tour, contre le racisme et l’antisémitisme.
En choisissant d’organiser au château des Milandes (Dordogne), qui fut la demeure de Joséphine Baker, un festival du livre, les 23, 24 et 25 juin 2023, la Licra se fera l’écho de ces combats historiques en faveur des droits des femmes, des libertés et de l’universalisme.
Bernard Ravet
Président de la commission Éducation