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Remise de la médaille d’honneur de la Licra à SAS le Prince Albert II de Monaco

Discours prononcé par Laurent KUPFERMAN à l’occasion de la remise de la médaille d’honneur de la LICRA à SAS le Prince Albert II de MONACO

Monseigneur,
Monsieur le Ministre d’État,
Monsieur le ministre de l’intérieur,
Madame la Secrétaire d’État,
Excellence, Monsieur l’Ambassadeur de France,
Mesdames et Messieurs, en vos grades et qualités ,
En 1927, il y aura bientôt un siècle, la Licra était créée. Deux années plus tôt, en 1925, Joséphine Baker arrivait en France et débutait une carrière de danseuse. Devenue célèbre très jeune, elle publie en 1931, à 25 ans « Mon sang dans tes veines » un roman destiné à faire réfléchir sur les discriminations et la ségrégation raciale. Elle fait la rencontre de Jean Pierre-Bloch, jeune député et résistant, ardent militant contre le racisme et l’antisémitisme et dirigeant de la Licra, dont il deviendra le Président.
À sa demande et tout en menant une carrière de grande vedette internationale, Joséphine décide de militer toujours plus activement et devient ambassadrice internationale de la LICRA. Elle met également son statut de première star internationale noire au service de la lutte pour les droits civiques dans son pays natal, les États-Unis d’Amérique, et dans les nombreux autres pays qu’elle traverse au cours de sa magnifique carrière d’interprète.
Il ne s’agit pas ici et maintenant, Monseigneur de rappeler de manière exhaustive tous les faits, discours, actions et engagements de Joséphine Baker, il faudrait plus que ce petit discours. Mais on ne peut évoquer ici, en principauté, la mémoire de Joséphine Baker, sans rappeler un épisode qui date du tout début des années 50, de l’année 1951 pour être précis.
Depuis sa naissance, en 1906 à Saint Louis, dans le Missouri, Joséphine Baker, avait été confrontée aux discriminations les plus violentes- elle est témoin des terribles émeutes de Saint-Louis, sa ville natale, le 2 juillet 1917, qui sont parmi les émeutes raciales contre les Noirs les plus sanglantes de l’histoire des Etats-Unis. Elle est aussi témoin et victime du racisme quotidien et ordinaire dans son pays qui pratique la ségrégation raciale. Alors même qu’elle sera devenue très célèbre, rien ne lui sera pour autant épargné. Lors d’une de ses tournées aux États-unis d’Amérique elle chante à New-York. Après le spectacle, elle décide , avec des amis d’aller diner dans une fameux restaurant dénommé le « Stork Club ». Elle est une star, on lui ouvre les portes, mais elle est noire, on ne la sert pas. Une heure, deux heures passent sans qu’aucun serveur ne se présente pour prendre leur commande. Ses amis lui proposent finalement de quitter ce lieu. Joséphine refuse tout net car dit-elle , « il est hors de question que je parte de ce restaurant sans rien faire, alors que c’est délibérément qui j’y ai été humiliée ». Joignant les actes à la parole, elle se saisit du téléphone du restaurant, appelle son avocat qui est aussi celui du NAACP, fait constater ce refus de la servir, provoquant un scandale qui prendra une envergure internationale et qui aurait pu lui être fatal. Absolument pas impressionnée, Joséphine fera face au propriétaire qui finira par plier.
Ce soir-là, une jeune et très belle actrice est assise dans la salle. Elle est frappée par le courage et la détermination de Joséphine. Jamais elle ne l’oubliera. Cette jeune et magnifique actrice c’est Grace Kelly.
Évoquer le souvenir de Joséphine Baker ici et ailleurs , mais ici plus qu’ailleurs Monseigneur, c’est se rappeler de la grande noblesse de la Princesse Grace, qui, toujours dans la plus grande discrétion, a été une amie présente quand les temps les plus difficiles étaient venus, et a également permis à Joséphine Baker non seulement de reprendre son souffle, mais de aussi renouer avec son art, lui permettant de retrouver la scène et donc de redonner vie à l’amour qui unissait Joséphine au public monégasque, et parisien, et ce jusqu’à son dernier souffle.
La Princesse Grace n’avait jamais oublié le courage de Joséphine Baker dans ses combats dans leur pays natal face aux forces suprémacistes. Ce combat est toujours, à travers le monde, d’une criante actualité.
Douze années plus tard, en 1963, à la demande du Pasteur King, le jour où il prononce son discours fondateur lors de la marche de Washington, Joséphine Baker prend la parole devant les centaines de milliers de personnes réunies. Une fois descendue de l’estrade, un journaliste demande à Joséphine « qu’est-ce que cela vous fait Madame, d’être devenue l’icône du peuple noire ? Surprise Joséphine répond « I beg your pardon ? » Pensant qu’elle avait mal entendu le journaliste lui repose la même question, et Joséphine l’interrompt et lui dit : « Mais Monsieur, il n’y a pas de peuple noir, il n’y a pas de peuple blanc, il y a le genre humain ! » Avec ces mots justes et simples, qui touchent au cœur et à la raison, Joséphine Baker a su résumer le message universaliste qui est celui de la Licra et plus largement, Monseigneur, celui des femmes et des hommes de bonne volonté.
Faire que les êtres humains arrivent à ne plus avoir peur de leurs différences, incarner la maxime d’Antoine de Saint-Éxupery « si tu es différent de moi, loin de me léser tu m’enrichis » voilà , une fois encore, ce qui nous réunit.
Ce message humaniste c’est aussi celui que le Festival Joséphine Baker-LICRA, lancé par Claude Pierre-Bloch l’an dernier veut transmettre aux générations suivantes. À cet égard, merci Monseigneur d’avoir bien voulu envoyer comme représentant de Votre Altesse Madame Charlotte Casiraghi et son frère Andréa Casiraghi à l’occasion de la première édition. Nous voulons aussi remercier S.A.R. la Princesse de Hanovre d’avoir bien voulu présider l’an dernier, à la médiathèque de Monaco, la projection-hommage du documentaire « Joséphine Baker un destin français » que j’ai écrit à l’occasion de son entrée au Panthéon, et ce en présence de trois de ses enfants Brian, Luis et Teruya.
On le voit Monseigneur tous ces liens sont nombreux, forts, anciens et hautement symboliques.
Voilà donc autant de raisons Monseigneur pour qu’à la demande et en présence de Claude Pierre-Bloch, de DaouDa Ba et les élèves de Beauvais, et au nom de Mario Stasi, Président de la Licra nous remettions à Votre Altesse la médaille d’honneur de la Licra que nous vous prions de bien vouloir accepter.

Agissons ensemble !

Le DDV, revue universaliste

N°689 – Le DDV • Désordre informationnel : Une menace pour la démocratie – Automne 2023 – 100 pages

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