La réalité derrière les apparences
Le Brésil vient d’élire son président en la personne de Jair Bolsonaro. Rien ni personne n’a pu empêcher la fièvre extrémiste qui semble s’être emparée du pays. Bolsonaro a une apparence, celle d’un leader populiste hâbleur, histrion et provocateur qui a bénéficié de la coagulation des votes des déçus du parti des travailleurs, de ceux des conservateurs et des milieux évangélistes ainsi que des nostalgiques de la dictature militaire de Castelo Branco et de ses épigones. Mais Bolsonaro a une réalité : celle d’un leader raciste, xénophobe, sexiste et homophobe, partisan d’un pouvoir autoritaire où la porosité entre politique et religieux est annonciatrice de biens des dérives et où la liberté de la presse est la cible favorite de ses attaques.
« Le Brésil est un État chrétien, et si une minorité s’oppose à cela, alors qu’elle dégage ! Faisons un Brésil pour les majorités. Les minorités doivent s’incliner devant les majorités ! La loi doit exister pour défendre les majorités. Les minorités doivent s’intégrer ou tout simplement disparaître ! »
Bolsonaro a annoncé la couleur et a désigné à la vindicte les boucs-émissaires de sa politique : les Noirs et Afro-descendants, les Amérindiens, les migrants, les homosexuels, les femmes. Lors d’un discours prononcé en février 2017, dans la ville de Campina Grande, État du Paraíba, il avait annoncé le cadre idéologique de sa politique : « Le Brésil est un État chrétien, et si une minorité s’oppose à cela, alors qu’elle dégage ! Faisons un Brésil pour les majorités. Les minorités doivent s’incliner devant les majorités ! La loi doit exister pour défendre les majorités. Les minorités doivent s’intégrer ou tout simplement disparaître ! ». Toute sa campagne fut en réalité une litanie de hargne contre les minorités. Au sujet des minorités « indigènes », il a déclaré en avril 2017 : « Si j’arrive là, chaque citoyen aura une arme à feu chez lui. Vous n’aurez plus aucun centimètre [de terre] démarqué pour les réserves indigènes ou les quilombolas. » avant de conclure “L’afro-descendant le plus léger pesait 80 kg. Ils ne font rien ! Ils ne servent même pas à la reproduction ».
« Je serai incapable d’aimer un fils homosexuel. Je préférerais que mon fils meure dans un accident plutôt que de le voir apparaître avec un moustachu. »
En 2011, une animatrice brésilienne lui demande lors d’une interview télévisée quelle serait sa réaction si l’un de ses fils tombait amoureux d’une femme noire : « Je ne discuterais pas de la promiscuité avec qui que ce soit. Il n’y a aucune chance que ça arrive. Mes enfants sont bien éduqués. Ils n’habitent pas dans les mêmes endroits que vous ». Au sujet des homosexuels, il déclarait en 2014 au quotidien Zer Haro : « Je serai incapable d’aimer un fils homosexuel. Je préférerais que mon fils meure dans un accident plutôt que de le voir apparaître avec un moustachu. ». Sans oublier les discours ouvertement sexistes qui peuplent les interviews de Bolsonaro.
Nostalgique de la dictature
L’idéologie de Bolsonaro est également profondément antidémocratique. Nostalgique de la dictature militaire dont la principale erreur est, selon lui, d’avoir « torturé sans tuer », précisant que « pendant la dictature, il aurait fallu fusiller quelques 30 000 corrompus, à commencer par le président Fernando Henrique Cardoso (Président du Brésil de 1995 à 2003) ce qui aurait rendu un grand service à la Nation ». Durant la campagne, il a tenu à ses opposants un discours d’extermination et a promis de « nettoyer définitivement » le pays de « la gauche », lui assurant un avenir d’exil ou d’emprisonnement.
La situation au Brésil s’inscrit dans un mouvement mondial qui est également en train d’emporter l’Europe sous l’effet d’un domino qui risque d’être létal, à moyen terme, pour nos régimes de liberté.
L’élection de Bolsonaro est symptomatique de la crise des démocraties universalistes. En dehors du contexte local et des contingences politiques du Brésil, l’arrivée au pouvoir de l’extrême-droite obéit toujours à une même logique, celle d’une insécurité culturelle sur laquelle prospèrent les entrepreneurs identitaires et populistes, habiles dans leur capacité à mettre des mots, les mauvais mots évidemment, sur les réalités du pays au point de faire basculer dans les urnes des grandes démocraties. La situation au Brésil s’inscrit dans un mouvement mondial qui est également en train d’emporter l’Europe sous l’effet d’un domino qui risque d’être létal, à moyen terme, pour nos régimes de liberté. Et comme toujours, le racisme accompagne toujours ces phénomènes et constitue le dénominateur commun à tous les régimes autoritaires qui, à des degrés différents, sont en pleine expansion.