Avignon 2019 – Episode 13
Peur(s) raconte l’histoire vraie de Lakhdar Boumedienne, citoyen bosno-algérien arrêté à Sarajevo par les services de renseignements américains au lendemain du 11 septembre 2001 et détenu pendant sept ans, de 2002 à 2009, au camp de Guantanamo, une base navale américaine en territoire cubain. Lui et cinq autres bosniaques d’origine algérienne sont accusés, sans preuve tangible, d’avoir fomenté un attentat contre l’ambassade américaine.
C’est ainsi que Matricule 10005, vêtu de la combinaison orange du « terroriste proche de Ben Laden », va vivre l’enfer dans une cellule de 1 m2, attaché en plusieurs endroits, sous projecteurs 24h sur 24h, soumis à des humiliations et à des tortures répétées et nourri de force lorsqu’il se mure dans le silence et entame une longue grève de la faim. Jusqu’au jour où Stephen Oleskey, avocat de Boston, indigné par ce que vivent les captifs à Guantanamo et par l’injustice de leur détention, décide de s’emparer de l’affaire et de plaider contre G. W. Bush jusqu’à la victoire et l’arrêt rendu par la Cour Suprême des États Unis le 28 Juin 2004 qui reconnaît le droit des détenus de Guantanamo de contester judiciairement la légalité de leur détention (Habeas Corpus !).
Les talents conjugués de l’auteur Hédi Tillette de Clermont-Tonnerre et la metteure en scène Sarah Tick parviennent en 1h20 à peine à nous dire beaucoup sur le sort de Lakdhar Boumedienne, la probité de son avocat et plus largement sur les défaillances des systèmes judiciaires, la peur instrumentalisée par les démocraties en temps de crise et la manipulation des masses pour réduire au silence toute envie d’interrogation et de rébellion.
Le spectacle porté par sept comédiens de talent s’ouvre sur un décor protéiforme : d’abord une cuisine américaine, où sur fond de musique rock et de match de base-ball où un avocat replet engloutit des hot-dogs arrosés de coca-cola puis la cuisine se transforme en cellule dans laquelle un gardien musclé torture le prisonnier et enfin en salle de plaidoirie. Tout se succède très vite, trop vite?, les personnages défilent, les références historiques aussi : Esclavage, Révolution Française, affaire Dreyfus, Patriot Act, Maccarthysme etc.) références si pléthoriques qu’elles noient l’essentiel et nous perdent un peu. Ce sera le seul bémol concernant ce travail minutieux et très bien documenté qu’il convient de saluer ici.
Parmi le millier de pièces du Off, n’ayez pas peur d’aller voir Peur(s)!
Marcelle Caro