Le Covid-19 a vu la résurgence des théories du complot. Fantasmes de dictature sanitaire, affabulations sur un prétendu génocide en cours, relativisation de la Shoah, comparaisons intempestives avec les années 30 : certains rivalisent d’imagination pour exhumer en Allemagne des vieux mythes inspirés par l’antisémitisme.
Au courant du mois d’octobre 2020, lors des manifestations organisées pour s’opposer à la gestion de la pandémie et aux restrictions des libertés, le mouvement qui se perçoit comme étant une prétendue résistance démocratique utilise sur ses affiches le signe rouge des prisonniers politiques des camps de concentration et les manifestants portent des étoiles jaunes et se comparent aux résistants, comme Sophie Scholl.
Le côté antisémite ressort très fortement. Pour Masam Stern, le Vice-président du congrès juif mondial, il s’agit d’un cynisme insupportable et d’une comparaison inepte. Selon Samuel Salzborn, expert des problématiques liées à l’antisémitisme de Berlin, cette instrumentalisation sert à la fois à deux fins. La première, au vu du passé du pays, est de relativiser l’histoire et la Shoah, dans le but de convaincre les gens que la Shoah n’a pas pu être pire que la situation présente. Au regard du présent, il s’agit de diaboliser les institutions démocratiques et de s’attaquer à la démocratie, dans le but de mettre en question la légitimité du gouvernement.
Les théories complotistes servent très souvent une cause antisémite, visant à expliquer le monde au regard d’on ne sait quels intérêts qui serraient à l’origine des crises. Aujourd’hui, l’obsession des juifs, d’un petit groupe qui dominerait le monde et poursuivrait des plans perfides a le vent en poupe en Allemagne. Mais la pandémie n’est pas le seul élément d’actualité convoqué pour étayer ces théories. Le 11 septembre, l’élection de Barack Obama, le mouvement Black-Lives-Matter, la “crise migratoire” de 2015 : tous ces événements seraient au service d’une élite secrète à la main du complot juif mondial. Un délire qui prospère en dépit des faits et de la réalité et qui a trouvé, grâce aux réseaux sociaux, un moyen considérable de faire de nouveaux adeptes.
Denis Neselovskyi
Stagiaire à la LICRA