Deux fois ! Deux fois un an que Bergerac apparait dans la presse nationale pour des faits de racisme anti-musulman. La technique est connue : créer le scandale pour faire parler de soi.
Que l’on souille le chantier d’une mosquée, et immédiatement l’antisémite Dieudonné annonce son intention de donner un spectacle dans le secteur. Effet immédiat et garanti, la presse nationale s’en empare et fait gracieusement, sans le vouloir, la publicité de ce triste sire.
Que l’on distribue un tract ciblant volontairement les origines et la religion supposée d’un candidat aux élections municipales, et immédiatement, les bonnes âmes, pensant bien faire, par un manque criant de connaissance des procédés médiatiques habituels de l’extrême-droite, font enfler la polémique. Voici donc lancée en grande pompe la campagne d’un obscur conseiller municipal du Rassemblement National. M. Dubois vous remercie.
Sur le fond, le tract publié est tout bonnement une succession d’exagérations n’ayant pour but que de susciter la peur et la haine des musulmans. « Mosquée gigantesque », sur quel critère ? le bon sens commun du RN, descendant du FN, parti ayant accumulé les condamnations de ses cadres pour incitation à la haine raciale ? Suit la dénonciation de la multiplication de «pièces d’architecture orientale» sur les ronds-points, on tremble d’effroi devant de tels choix esthétiques. Il ne manque plus que l’invocation des mânes de Charles Martel. Arrive enfin le morceau de bravoure de ce sommet de la littérature politique : « Dans la continuité de cette politique d’islamisation, la liste menée par Adib BENFEDDOUL vous sera présentée aux élections municipales.» Car, voyez-vous, pour les penseurs du RN de la Dordogne, le simple patronyme de ce candidat est un risque d’islamisation ! Tremblez braves gens !
Nous, à la Licra, qui sommes laïques et républicains, aimerions rappeler à ces plumitifs déviés un des principes fondamentaux de la République laïque : tout Français quelles que soient son origine et sa religion, dès lors qu’il remplit les conditions fixées par la loi pour être élu, peut légitimement se présenter à une élection. L’article premier de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen l’exprime ainsi : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune.» C’est pourquoi nous qui sommes laïques ne connaissons pas la religion de M. Benfeddoul. Cela n’a aucune utilité que de la savoir. Peut-être est-il musulman, syriaque, zoroastrien, catholique, athée, ou cueilleur de fraises. Et parce que nous sommes laïques, n’en avons cure pour peu que son programme et les valeurs qu’il défend respectent les principes républicains encadrant les élections. Voilà pour le principe.
Dans le cas qui nous intéresse, pour autant que nous le sachions, M Benfeddoul ne prône ni la charia, ni l’instauration d’un califat. Aussi, parler d’une politique d’islamisation n’est qu’une exagération grossière n’ayant pour but que d’agiter les tensions raciales et religieuses sur fond de racisme anti-musulman. Un tel procédé est la négation même de l’idée de laïcité, et une atteinte profonde à l’unité nationale, à laquelle tout patriote sincère ne peut qu’aspirer. Nous ne sommes pas dupes de cette tentative brouillonne de faire parler de soi, et n’avons que désintérêt et mépris pour ses auteurs.
Ce tract profondément anti-laïque, et donc anti-républicain, et anti-français, doit être précisément qualifié : il ne s’agit ni plus ni moins que d’un torchon anti-musulman.
La Licra de Bergerac conformément à son rôle tient également à publiquement assurer M. Adib Benfeddoul de son plein soutien, et se retourne immédiatement vers sa commission juridique pour déterminer les suites juridiques qu’elle compte y donner.
Stéphane Guthinger
Président de la LICRA Bergerac