Il existe une constante dans l’histoire des crises : c’est celle qui consiste à désigner des boucs-émissaires, à vouloir expliquer l’inexplicable par un complot invisible. La crise sanitaire que nous traversons n’échappe pas à la règle et convoque les mêmes réflexes, les mêmes mécaniques, les mêmes poussées de haine. Et à chaque fois, la même rengaine vient empuantir les réseaux sociaux au rythme de phénomènes qui confinent toujours, invariablement, irrémédiablement, à l’antisémitisme et au complotisme. Le virus est invisible, alors son origine, aussi, doit forcément l’être tout comme la main, forcément « enjuivée », de la finance, du « lobby », du pouvoir, de l’information, etc.
Nous avons assisté, ces dernières semaines, à un « déconfinement » de la haine des juifs mêlé à l’affirmation décomplexée des pires théories du complot. La liste des contenus de cette nature serait trop longue à faire mais elle montre que notre combat est plus jamais est à la croisée des chemins et exige notre mobilisation : certains font des listes de juifs, comme Alain Soral et sa clique, en les corrélant à l’organigramme soit de la haute administration, soit de la presse et des médias ; d’autres ressuscitent la figure du « juif empoisonneur », comme au Moyen-Âge, lui attribuant d’avoir créé le virus, à l’image du leader du parti islamiste Refah, Fatih Erbakan, fils de l’ancien Premier ministre turc, déclarant : “Bien que nous manquions de preuves, ce virus sert les objectifs du sionisme de réduire la population et de l’empêcher de croître ». On a même ressorti le « juif stérilisateur », à l’instar de cet officier du renseignement turc, pro-Erdogan livrant à la Télévision d’Etat : « Les Juifs, les sionistes ont conçu le nouveau coronavirus comme une arme biologique, comme la grippe aviaire… pour contrôler le monde, s’emparer des pays et stériliser la population mondiale ».On exhume aussi la figure du « juif profiteur », lui prêtant la volonté de spéculer, d’accaparer et de s’enrichir de la situation pour faire commerce du futur vaccin, en prêtant des phrases apocryphes à Georges Soros ou à Jacques Attali. Ou encore celle du « juif privilégié » qui aurait le droit de déroger aux règles du confinement pour des raisons religieuses.
Certains parviennent même à contester l’existence de la Shoah à la lumière du COVID, prétextant que si les Chinois ont du mal à incinérer les milliers de morts de l’épidémie, comment alors les nazis auraient pu y parvenir pour les 6 millions de Juifs exterminés.
Les plus aveugles seront convaincus que cela a toujours existé, que c’est un épiphénomène, que tout cela est de l’écume sur des réseaux sociaux qui charrient tellement d’autres choses. Ce serait lâcheté que d’en rester à cette explication. En vérité, cet antisémitisme « déconfiné » est la cellule souche d’un mal qui le dépasse très largement. C’est le premier symptôme qui, comme l’histoire l’a toujours montré, annonce un mal plus étrange qui va s’en prendre, de proche en proche, par capillarité, affaiblit et détruit les organes du corps social.
Dans cet élan de haine, nous avons à combattre des antisémites sans frontières idéologiques, de l’extrême-droite à l’extrême-gauche en passant par le fondamentalisme islamiste. L’extrême-droite, officiellement silencieuse, récolte les fruits, dans les urnes, de ces mauvaises humeurs, au sens physiologique du terme : il suffit de voir les contenus relayés sur la fachosphère expliquant que le Professeur Raoult serait la victime du « lobby juif » au sein de l’administration de la santé pour comprendre à qui va profiter ce poujadisme numérique. Une partie de l’extrême-gauche, aussi, compte se refaire une santé en attirant à elle un électorat très sensible à la haine des juifs et dissimulé derrière un antisionisme qui ne dupe plus personne sur son objectif réel. L’islam politique continue à imprimer son venin, à vouloir confiner les esprits dans une lecture du monde où « le musulman » serait « le dominé » d’un système aux mains d’Israël, à l’image de l’écrivain saoudien Sa’ud Al-Shehry déclarant au sujet du Covid-19 et en dépit de la réalité: « un virus ‘miracle’ a été découvert hier en Chine ; demain, il sera découvert en Égypte, mais il ne sera découvert ni aujourd’hui, ni demain, ni après-demain aux États-Unis ou en Israël, ni dans des pays pauvres comme le Burundi ou les Comores”. Hossein Momeni, maître de conférence au Séminaire de Qom, explique aussi à la télévison irannienne que le coronavirus est “une arme contre les chiites, contre les musulmans et contre les Iraniens”.
Au sortir de cette crise, et dès maintenant, il s’agira de regarder en face cette réalité, de la désigner pour ce qu’elle est et de se donner les moyens d’enrayer la banalisation de l’antisémitisme. Le premier combat, dès lors que notre Parlement pourra de nouveau délibérer selon la forme accoutumée, sera de soutenir la loi Avia afin de fermer le robinet ininterrompu de la barbarie numérique qui, chaque jour, un peu plus, éloigne une partie de notre jeunesse des valeurs de l’universalisme.
Merci Mario,
Pour votre honneteté intellectuel et tous ces constats qui ne sont pas sans risques pour vous !!!
Je pense que nous pourrions aborder tous ces sujets en profondeur avec les adhérents, ce qui ne peut se faire, la plupart du temps… pourtant, c’est l’avenir de tous, de nos enfants, et petits
enfants sur le vivre ensemble…
Le professeur Raoult est marié à une Juive et a déjà condamné publiquement l’antisémitisme. Il est donc ironique que des antisémites _ des deux côtés de la Méditerranée _ se servent de lui pour véhiculer leurs délires antisémites. N’importe quel prétexte est bon pour ces gens-là !
Bonjour Monsieur,
Quelles sont les actions juridiques que la Licra et/ou d’autres institutions vont entreprendre contre le négationniste Vincent Reynouard.
Merci pour votre réponse
Cordialement
Il me semble que nous devrions regarder aussi la naissance d’un racisme anti-chinois ,fondé, comme toujours,sur l’ignorance, autant de ce pays que de sa civilisation.
Cette prise de conscience n’enlève rien à la nécessaire lutte contre l’antisémitisme,que je soutiens,d’autant que Chinois et Juifs ont tissé,au cours des siècles,des liens amicaux .
Bonjour, je trouve votre article extrêmement intéressant.
Serait-il possible, pour ceux qui n’ont pas le temps de surfer, de référencer ces accusations, ou de les sourcer?
J’imagine que personne n’a le temps et le courage de le faire.
En même temps, ce n’est pas très utilisable sinon.
Amitiés, Sabine Bollack
Bravo Mario !
J’exprimerais cependant quelques doutes sur la loi Avia qui risque d’être utilisée à tout bout de champ par les défenseurs du concept d’islamophobie et les tenants du djihad judiciaire…