Directeur du théâtre national de Gand, le suisse Milo RAU est spécialiste des pièces performatives et des films avec sa maison de production Institut of Political Murder et fait de la scène un lieu d’expérimentation et de questionnement, considérant la représentation comme une catharsis.
La Reprise est née d’un travail collectif après un fait divers : le meurtre d’un homosexuel, Ihsane Jarfi, à Liège en 2012 ; mais qu’est- ce que cette affaire a à voir avec des « histoires du théâtre » ?
Le format de la répétition est récurrent dans les pièces de RAU et, avec cette création, il décide d’ouvrir une série, Les « histoires du théâtre », par une étude scénique considérant que ce qui s’est passé ne peut être reconstitué qu’à partir des témoignages mais qui ne se référent pas forcement à la vérité et qui tentent de redonner un sens à ce qui s’est passé selon les intentions des protagonistes (une réminiscence ou « recollection »).
La pièce commence par un casting de comédiens amateurs : Suzzy Cocco (gardienne de chiens), Fabian Leenders (magasinier) auxquels se joint Tom Adjani, polyglotte autodidacte, qui tiendra le rôle de la victime. Le dispositif vidéo se met en place avec le filmage en direct des comédiens et nous entrons dans cette tragédie contemporaine.
Les images amplifient le jeu des comédiens : l’intimité de la vie des parents de la victime, par exemple, est transmise à la fois en direct mais parfois anticipe le jeu scénique. Nous nous retrouvons ainsi captés par un montage alternant direct et différé, comme dans une répétition des événements.
Subtile, la vidéo capte l’attention des spectateurs sans nous éloigner du théâtre. Le résultat est emballant, la mise en scène, efficace et captivante, est soulignée par une bande son alternant avec humour Jo Dassin et surtout Cold Song de Purcell (version Klaus Nomi).
Nous pensons bien sûr à Pier Paolo Pasolini, autre tragédie contemporaine, avec ce corps allongé nu dans le froid et la pluie et nous devenons à notre tour les témoins de cette tragédie contemporaine mais avec le sentiment d’avoir participé à cette re- création du réel en recherche d’humanité.
Chapeau l’artiste !
Jean-Louis ROSSI
Milo RAU a également monté, entre autres : The civils wars (témoignages de djihadistes, Hate Radio (sur le génocide du Rwanda), Les derniers jours de Ceaucescu.