L’aggravation des effets du changement climatique dans trois régions du monde densément peuplées pourrait pousser plus de 140 millions de personnes à migrer à l’intérieur de leur propre pays d’ici 2050. » Ce constat établi par la Banque mondiale, conclusion de sa dernière étude livrée en 2018, n’est pas qu’une simple alerte. Sur la base de données scientifiques et démographiques, les chercheurs estiment que l’Afrique subsaharienne, l’Asie du sud et l’Amérique latine connaîtront des vagues de migration sans précédent, sous l’effet de plusieurs facteurs : stress hydrique, mauvaises récoltes, élévation du niveau de la mer, ondes de tempête…
Accélérer la transition énergétique
Pour l’ancienne directrice générale de la Banque mondiale, Kristalina Georgieva, ces données constituent « un avertissement » en direction des pays et des institutions de développement : « Il est encore temps d’anticiper les conséquences du changement climatique avant qu’elles ne s’aggravent, mais bientôt il sera trop tard. Les mesures que les villes prennent maintenant pour faire face à l’arrivée grandissante de migrants fuyant les zones rurales et faciliter leur accès aux études, à la formation professionnelle et à l’emploi seront payantes à long terme. » Et d’insister : « Il est également important d’aider les gens à faire le bon choix entre rester là où ils vivent et se déplacer pour être moins exposés aux dérèglements du climat. » Face à l’urgence, il faut une fois de plus interpeller la communauté internationale pour se donner les moyens de réduire les gaz à effet de serre en développant les énergies alternatives et mettre en œuvre des politiques de transitions énergétiques.
Vide juridique pour les « réfugiés » environnementaux
Autre recommandation : anticiper toutes les étapes de la migration climatique pour s’y préparer et répondre aux besoins selon les trajectoires des pays concernés. Vaste programme qui nous concerne aussi, nous européens. À terme, la montée des eaux pourrait bien engloutir les Pays-Bas, dont 60 % de la population vit en dessous du niveau de la mer, mais aussi les Balkans tout aussi menacés par la montée du Danube, et même certaines îles allemandes et plus globalement, les régions du littoral, induisant des migrations intra-communautaires sans précédent. Ce « tsunami » humain pose un autre problème, cette fois au niveau du droit international. Voilà plus de 30 ans que les Nations unies ont évoqué la réalité des réfugiés environnementaux. Mais rien n’existe concrètement dans l’arsenal juridique pour les protéger et même les reconnaître. D’où la nécessité pour Pascal Brice, ex-directeur de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra, lire l’entretien pp. 10-11) « d’engager une réflexion sur des normes spécifiques qui seraient distinctes et qui permettraient de voir exister des organismes européens et internationaux de protection des déplacés environnementaux. Il faut une réponse internationale comparable à la convention de Genève sur le droit d’asile qu’il faut conserver dans sa spécificité, et qui serait autre, car les déplacés environnementaux relèvent d’une logique assez différente de celle de l’asile, plus collective qu’individuelle. Le système n’est pas duplicable. » Alors, « déplacés » ou « réfugiés », au-delà des termes et des lois, c’est une tragédie humaine qui se profile devant nous. Demain, dans quelques décennies.
Le diagnostic alarmant de la Banque mondiale
Dans la dernière livraison de son rapport datant de mars 2018, la Banque mondiale pointait du doigt la réalité des conséquences des changements climatiques sur l’humanité. Avec un titre très évocateur, Groundswell : se préparer aux migrations climatiques internes, cette étude inédite et exhaustive est en effet consacrée au lien entre les effets du changement climatique sur les flux migratoires internes et ce, dans les trois régions du monde qui seront les plus touchées : l’Afrique subsaharienne, l’Asie du Sud et l’Amérique latine. Une approche qui met en évidence les grands foyers d’émigration et d’immigration climatique, c’est-à-dire les zones vulnérables au changement climatique qui connaîtront probablement un exode de population sans précédent. Territoires urbains, périurbains et ruraux devront se préparer à accueillir ces migrants internes condamnés à rechercher des moyens de subsistance pour pouvoir s’adapter à leur nouvelle existence.
Téléchargeable sur : www.banquemondiale.org
Les déplacés climatiques en chiffres
- Une personne par seconde dans le monde,
- 250 millions sur la planète d’ici 2050,
- Plus de 1 déplacement sur 2 est causé par des inondations.
Source : Observatoire des déplacés climatiques.
Pensez vous vraiment que la France, qui procède au bitumage de 50 000 à 60 000 hectares par an, et qui est actuellement surpeuplée puisse accueillir tous les réfugiés de la planète ?