Avignon 2019 – Episode 8
Créé à Avignon il y a vingt-quatre ans, joué ensuite dans toute la France pendant sept saisons, ce spectacle est repris cette année avec les mêmes comédiens qui avaient créé la pièce il y a un quart de siècle et notamment, dans le rôle de Primo Levi, Gérard Cherqui, qui incarne véritablement l’auteur de Si c’est un homme, à la fois physiquement, ce qui ne serait qu’anecdotique, mais surtout psychologiquement et intellectuellement.
Conversations n’est pas exactement une « conversation », au sens où ces deux intellectuels échangeraient d’égal à égal : avec un talent rare, le grand journaliste qu’est Ferdinando Camon interroge Primo Levi avec beaucoup de pertinence, tant sur l’expérience du Lager que sur son métier de chimiste, sur sa judéité avant, pendant ou après la Shoah, sur sa relation avec l’Allemagne et les Allemands, sur la nature de sa vocation littéraire, la comparaison du Lager et du Goulag, de ses écrits et de ceux de Soljenitsyne… Primo Levi répond, même aux questions les plus intimes, avec rigueur, mesure et non sans ironie par instants.
Pour conclure, Camon hasarde deux hypothèses : non, Levi n’était pas suicidaire, rien dans son œuvre ni dans son tempérament ne laisse pressentir cette issue fatale qui est, aux yeux du grand journaliste, une sorte d’accident ; et d’autre part, le calme et la mesure de Levi, qui ne crie jamais, ne sont pas, ou pas seulement, une marque de gentillesse : ce sont bien plutôt ses armes : Levi renonce à la colère, aux cris et aux larmes pour mieux susciter les nôtres.