ActualitésÉvénementsContre la haine … la laïcité

Contre la haine … la laïcité

Le 6 décembre 2024, par une belle journée ensoleillée, on pouvait voir des femmes et des hommes se diriger vers l’Assemblée nationale, et plus précisément l’Hôtel de Lassay. L’événement qui attirait ainsi environ 200 citoyens était le Colloque organisé par la LICRA et qui se tenait sous le haut patronage de Madame Yaël Braun-Pivet, Présidente de l’Assemblée nationale.

Des dictatures légitiment leur prétention à être au-dessus des règles démocratiques au nom d’appartenances religieuses. Tous les moyens sont bons, le terrorisme, les cyberattaques et la désinformation sur les réseaux sociaux.

À l’intérieur des démocraties, en écho à ces guerres hybrides, les propos et les actes de violence se développent. La haine de l’Autre, les passions nationalistes et populistes nourrissent le racisme et l’antisémitisme, les discriminations.

Comment préserver les libertés et les droits fondamentaux ? L’interrogation ne concerne pas seulement les systèmes politiques, mais leur fondement philosophique. La menace pèse sur tous les citoyens et vise à l’endoctrinement des plus jeunes.

Forte de près d’un siècle de combat contre le racisme et l’antisémitisme, la Licra fait le choix de la mobilisation. Il s’agit de débattre, mais aussi de s’engager pour la défense de la République et de la laïcité.

Dès l’ouverture par Madame Yaël Braun-Pivet et Monsieur Mario Stasi, Président de la Licra, le ton est donné. Au constat du développement de la haine dans notre pays, et donc de l’ignorance, la nécessité de l’éthique du dialogue prend corps, et avec elle, le principe fondateur de la laïcité. Leurs propos, remarqués, sont clairement centrés sur les enjeux de la laïcité contre la haine.

Jacqueline Costa-Lascoux, membre du bureau exécutif de la Licra et animatrice du groupe « États généraux de la laïcité », introduit le colloque en soulignant la responsabilité du citoyen dans sa relation à l’Autre et l’indispensable respect de la dignité de chacun. La journée est dédiée à l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, arrêté à Alger.

La première table ronde, « La démocratie en danger », est modérée par Philippe Foussier, membre du bureau exécutif de la Licra et Vice-Président d’Unité Laïque. Denis Charbit, politiste franco-israélien, François Rachline, écrivain et essayiste, et Arlette Zilberg, cofondatrice de Citad’Elles confrontent leurs visions, non sans cet humour qui permet à chacun de faire sien un discours réaliste et inquiétant. Aujourd’hui, la démocratie affaiblie laisse place à la haine. Les défenseurs de la la laïcité, depuis trop d’années sur la défensive, doivent faire preuve d’énergie et de volontarisme. L’action doit remplacer la réaction !

Dans la société actuelle, le doute s’accentue, l’identitarisme s’identifie à un refus de s’interroger, à la méconnaissance de soi-même. Pourtant, le doute ne doit pas être un obstacle à se connaître, et même à se reconnaître au-delà d’une identité de naissance qui oblitère tout ce que nous sommes et tout ce que nous pouvons encore être.

Notre ami Abraham Bengio, Président de la commission Culture de la LICRA, entre en scène pour modérer la table ronde « La Laïcité et la liberté de création ». Autour de la table, Chahla Chafiq, sociologue et écrivaine, Marc Hajjar chef d’orchestre, et Laurent Salles dessinateur de presse. D’entrée de jeu, Chahla Chafiq montre l’importance des mots (des maux ?) dans le combat du mouvement « Femmes, Vie, Liberté » en Iran. La répression totalitaire cherche à tuer le rêve, l’art, le roman, le rire … Ce sont ces mêmes mots que Marc Hajjar reprend, soulignant leur importance dans l’imaginaire républicain et rêvant de « La laïcité mise en scène ». Et, évidemment, c’est au travers de ses dessins que Laurent Salles fait appel à la liberté de la presse, source d’une laïcité bien comprise et d’une démocratie en bonne santé. Et inversement, c’est la laïcité qui protège la liberté de dessiner.

L’après-midi débute avec « Une éducation émancipatrice », table ronde modérée par Hélène Bouniol, coprésidente du réseau Education de la Licra. Ianis Roder, membre du Conseil des Sages de la laïcité, explique combien la laïcité à l’école permet de lutter contre l’assignation identitaire. Nous sommes déterminés par nos appartenances premières comme la famille et la société. L’accès à l’autonomie du sujet, à son émancipation, passe par l’apprentissage de la pensée. Il est difficile d’apprendre à penser, surtout contre soi-même et contre ce qui nous a formé.

Vilaine Laprononcière, professeure d’histoire, membre du Comité Valeurs de la République au rectorat de Lyon, partage ses expériences de dialogue avec les élèves, mais aussi avec les parents, ce qui est fondamental. Elle montre combien l’approche par le théâtre, telles que la Licra Rhône-Alpes les met en œuvre, et les expressions artistiques ont valeur pédagogiue. La question du rapport à l’altérité est ici centrale.

Laurent Escure, secrétaire général de l’UNSA, considère que les syndicats doivent assumer leur rôle de formation à la laïcité et aux valeurs de la République. Il expose les actions menées en ce sens par son syndicat, non seulement à l’éducation nationale mais aussi dans toutes les branches professionnelles où celui-ci est représenté.

« L’universalisme, un projet », tel est le thème en débat, pour terminer cette journée, avec Tristane Banon, essayiste et éditorialiste, Jacqueline Costa-Lascoux, Philippe Foussier et François Rachline. L’universalisme, c’est l’affirmation de l’unité du genre humain. C’est difficile à comprendre dans un monde matérialiste qui privilégie le voir : ce qui différencie les êtres humains, c’est leur corps, propriété inviolable de chacun. Il y a deux façons de diffuser l’universalisme. Soit on l’établit d’autorité comme le font des religions (hors de l’Église, point de salut). Soit on part de soi et de sa singularité pour aller vers l’universel.

Montaigne affirmait déjà l’unité du genre humain, tandis que Joseph de Maistre avait une conception essentialiste : nous appartenons à une culture dont on ne peut s’extraire. Mais l’Homme n’est jamais figé, et son identité est déterminée par ses actes plutôt que ses racines.

C’est l’idée universaliste, héritage des Lumières, qui a nourri la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, et notamment l’article premier selon lequel « tous les hommes naissent libres et égaux en droits ».

A l’opposé du communautarisme, l’universalisme promet l’égale dignité des personnes. Pour y parvenir, ce projet implique un combat. « Celui qui ne se bat pas a déjà perdu ! »

Nous comprenons que laïcité et universalisme vont de concert et sont indispensables pour permettre à la démocratie de se développer vers toujours plus de liberté, d’égalité, de fraternité.

Le colloque se termine, et chacun repart enrichi, la tête pleine de pensées et de réflexions, mais aussi de questions. Nous avons apprécié les échanges, d’une grande richesse. La structure du colloque a mis en lumière la laïcité comme liberté de création, émancipation et vision universaliste, selon une dynamique « qui rompt avec les discours habituels » de déploration sans perspective. Nous avons également apprécié la diversité des intervenants comme la diversité du public. Des membres de la Licra, bien sûr, mais aussi des syndicalistes, des associatifs, des enseignants, des artistes, des jeunes et des moins jeunes. La présence dans le public de nombreuses personnes qui ne sont pas de notre association est un aspect positif à retenir. Chose rare et à renouveler : l’entre-soi a été évité. On regrettera seulement que de nombreuses personnes qui, ayant omis de s’inscrire en temps voulu, n’ont pu pénétrer dans les locaux de l’Assemblée nationale !

La qualité et la diversité des orateurs ont été unanimement saluées.

Cette journée a été remarquable par son organisation (merci Jacqueline, merci Philippe, et merci les personnels de la Licra et de l’Hotel de Lassay !), mais aussi par la sérénité du déroulement des différentes tables rondes, la participation du public, et bien sûr le magnifique cadre de l’hôtel de Lassay. La beauté et

la signification du lieu, « l’efficacité et l’hospitalité du personnel de l’Hôtel de Lassay » ont donné tout leur sens à ce « Salon de la République ».

Agissons ensemble !

Le DDV, revue universaliste

N°689 – Le DDV • Désordre informationnel : Une menace pour la démocratie – Automne 2023 – 100 pages

LAISSER UN COMMENTAIRE

Votre commentaire apparaîtra après modération. Veillez à respecter la législation française en vigueur.

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Suivez-nous

118,227AbonnésJ'aime
1,268AbonnésSuivre
43,828AbonnésSuivre

Rejoignez-nous

Newsletter