Par Mario Stasi, Président de la Licra, aux militants de la Licra
Mes amis,
Le 26 avril 2018, j’adressai en votre nom au Premier Ministre de l’époque, Edouard Philippe, une demande consistant à faire du 7 avril une date officielle des commémorations de la République. Commémorer cette date a un sens : elle marque le début du dernier génocide du XXème siècle, celui des Tutsi au Rwanda.
Dans la nuit du 6 au 7 avril 1994, au Rwanda, la Radio Mille Collines appelle en langage codé les Hutu à « abattre les grands arbres » : c’est le signal annonciateur du génocide des Tutsi, préparé de longue date et de longue haine. En cent jours, entre le 7 avril et le 4 juillet 1994, près d’un million d’hommes, de femmes et d’enfants ont été tués dans ce pays de seulement 7 millions d’âmes.
La justice pénale internationale est passée et dès décembre 1994, elle a fait son œuvre pour que les responsables de ce crime soient identifiés, arrêtés, jugés et condamnés. Notre pays a également été amené à juger des responsables de ce génocide au titre de sa compétence universelle et chaque fois, la LICRA était sur le banc des parties civiles, fidèles à notre objet moral: “combattre la négation et l’apologie des génocides et des crimes contre l’humanité, et défendre l’honneur et la mémoire de leurs victimes. »
Depuis l’an dernier, le Gouvernement a fait droit à notre demande et la France, désormais, honorera chaque 7 avril la mémoire des Tutsi.
Ce n’est pas rien au regard du poids lourd de cette histoire pour notre pays. En effet, nul n’ignore désormais que la France a manqué à ses valeurs et à sa parole universelle au Rwanda en 1994. Le rapport de la commission d’historiens de la commission Duclert (voir ci-dessous), mise en place à la demande du Président de la République, vient de réveiller « un passé qui ne passe pas ». Ce rapport a mis en lumière les responsabilités lourdes et accablantes, qu’elles soient politiques, institutionnelles – civiles et militaires – ou intellectuelles dans la gestion de la crise génocidaire rwandaise. Au Rwanda, la France n’a pas agi selon ses principes mais selon des considérations géopolitiques ethnicistes qui l’ont conduite à l’aveuglement et à requalifier un crime de masse, commis contre l’Humanité, en guerre civile, s’épargnant ainsi de devoir l’empêcher et s’obstinant dans un soutien inexcusable à un régime criminel.
Dans ce contexte, et autant que les conditions sanitaires le permettront, j’invite tous les militants de la LICRA à participer aux commémorations du 7 avril. Votre présence sera le témoignage de notre humanité et de notre fraternité avec les Tutsi exterminés en 1994 pour le simple fait d’être né Tutsi. Je vous invite à vous inspirer, auprès des préfets de vos départements, de la démarche initiée à Dijon par notre ami Alain David (voir ci-dessous), notre représentant à la Commission nationale consultative des Droits de l’Homme, afin de les sensibiliser à la nécessité d’être à la hauteur de cette date ô combien utile à la mémoire, à l’histoire et aux droits humains.
Mario Stasi
Président de la LICRA