Avignon 2019 – Episode 16
Voici l’un des spectacles les plus atypiques et réjouissants de ce festival ! Les spectateurs ont rendez-vous devant le Théâtre de la Manufacture.
Une navette les emmène au château de Saint-Chamand, à une dizaine de minutes de là. On entre dans un beau jardin et on prend place autour d’une table, ou plutôt de tréteaux disposés en rectangle, au milieu desquels se dresse, énigmatique, un petit arbre. Sur les tréteaux, dans le plus grand désordre, des Bibles à foison, toutes les traductions de toutes les traditions, et des ouvrages sur la pensée juive, hindoue, arabe, et des dictionnaires d’hébreu ou de grec.
Quatre comédiens, dont le metteur en scène, François Rancillac (ancien codirecteur du CDN de Saint-Etienne) discutent avec passion des thèses de la psychanalyste Marie Balmary (La Divine Origine. Dieu n’a pas créé l’homme, Paris, Grasset, 1993) sur la fameuse scène de la Genèse si mal nommée par la tradition chrétienne « le péché originel ». De péché il n’est pas question ici, mais bien plutôt de l’avènement du sujet, de la relation intersubjective et de la découverte de l’altérité. Les comédiens déconstruisent les stéréotypes et les idées reçues, débarrassent le texte de la poussière accumulée par 2 000 ans de théologie. Dieu, ou plutôt le Tétragramme, fait don à l’homme de la liberté et du pouvoir de construire la relation par la parole.
L’expérience est certes ratée : chassés de Gan ‘Eden, le Jardin d’Eden, les hommes auront à reprendre la tâche à nouveaux frais, avec leurs propres forces – de même que les tables de la loi écrites de la main de Dieu seront brisées par Moïse qui devra les réécrire, identiques mais de sa propre main. Ne manquez pas cette yeshiva laïque et champêtre, drôle, joyeuse, irrévérencieuse et tellement intelligente !
Abraham Bengio