Des cabinets de recrutement aux ateliers « évolution de carrière » en passant par le suivi des conseillers dans les diverses structures publiques, toute personne à la recherche d’un emploi est rapidement mise au courant des dernières tendances en matière de CV. En ce domaine comme dans d’autres, il y a des modes. Il y existe une autre valeur sûre dans la rédaction de CV qu’on hésite pourtant à évoquer.
E. A.
La première fois, j’ai cru à une blague. Mon coach semblait gêné : « Je peux vous le dire… parce que, moi-même, je suis d’origine… Comme vous… Vous avez de la chance parce que votre nom n’est pas connoté… en fait, tout serait plus facile si vous déjudaïsiez votre CV. » Même en ayant beaucoup travaillé sur les racines de la haine anti-juive, on n’est jamais tout à fait préparé à entendre ça. Pas en ces lieux feutrés, entre personnes de bonne compagnie. Et la perversité du conseil, résidait justement en son caractère sincère et bienveillant. J’en suis d’autant plus persuadée que l’histoire (juive ?) s’est répétée, cinq ans plus tard, en des lieux et des circonstances comparables. Mon interlocutrice a alors utilisé un terme plus choisi et m’a suggéré de « neutraliser » mon parcours. Cette fois, l’opération était rendue encore plus délicate encore par ma persistance (coupable) dans l’erreur : j’avais, entre temps, de nouveau exercé dans une institution dite « communautaire ». Fragilisée par ma situation, j’ai joué le mauvais jeu qui m’était conseillé : j’ai ôté de mon CV le titre de ma thèse et même gommé les noms des membres de mon prestigieux jury (qui, eux, n’ont pas la chance d’être dotés de patronymes ne suggérant rien de leur judéité), j’ai masqué les titres de mes publications universitaires et ai pudiquement caché derrière des sigles obscurs le nom des institutions, pourtant très honorablement connues, pour lesquelles j’ai travaillé. J’ai mis en avant des compétences uniquement techniques, applicables dans toutes les entreprises mais, valorisées seules ces caractéristiques masquent l’essentiel. Pas seulement en terme de culture mais en matière de puissance d’engagement, de passion et de force de réflexion. Elles cachent l’être humain que je suis.
Discriminations religieuses : des statistiques
Vous pouvez trouver des données statistiques précises qui viennent étayer ce témoignage sur le site de l’Institut Montaigne qui a publié une étude très complète intitulée Discriminations religieuses à l’embauche : une réalité. www.institutmontaigne.org/publications/discriminationsreligieuses-lembauche-unerealite