Paris, le 2 décembre 2024
Monsieur l’Ambassadeur,
Au nom et pour le compte de l’ensemble des avocats et juristes de la commission juridique de la Ligue Internationale Contre le Racisme et l’Antisémitisme (LICRA) nous tenons à intervenir auprès de vous compte tenu de la situation inacceptable de Monsieur Boualem SANSAL actuellement détenu dans votre pays de façon totalement injustifiée et abusive.
Il est constant que Monsieur Boualem SANSAL, de nationalités française et algérienne, est un auteur internationalement reconnu pour ses livres et pour son positionnement profondément humaniste.
Son interpellation lors de son arrivée en Algérie et le mandat de dépôt qui apparemment vient d’être délivré à son égard, prétendument pour atteinte à la sûreté de l’Etat sont manifestement inadmissibles.
Le droit international instaure la liberté d’expression comme un principe qui ne saurait pouvoir être enfreint par les États.
L’article 2 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme adopté le 10 décembre 1948 par l’Organisation des Nations Unies (ONU) stipule expressément :
« Chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans la présente Déclaration, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation. […] »
De surcroît, l’article 18 du même texte stipule :
« Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction, seule ou en commun, tant en public qu’en privé, par l’enseignement, les pratiques, le culte et l’accomplissement des rites. »
En outre, l’article 19 du même texte est ainsi rédigé :
« Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit.»
Il est constant que l’arrestation arbitraire de Monsieur Boualem SANSAL constitue une atteinte aux dispositions de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme précitée, de sorte qu’en tant que juristes, l’ensemble des avocats constituant la Commission juridique de la LICRA ne peut accepter la situation subie par Monsieur Boualem SANSAL.
Il est manifeste que cette atteinte particulièrement grave aux droits fondamentaux de l’individu ne saurait être tolérée dans un pays membre de la communauté internationale.
Nous ajoutons également à cet égard que l’article 38 de la Constitution algérienne stipule :
« Art. 38. — Les libertés fondamentales et les droits de l’Homme et du Citoyen sont garantis. Ils constituent le patrimoine commun de tous les algériens et algériennes, qu’ils ont le devoir de transmettre de génération en génération pour le conserver dans son intégrité et son inviolabilité. »
Manifestement l’arrestation de Monsieur Boualem SANSAL, compte tenu des écrits qu’il a pu rédiger et des idées qu’il a pu exprimer, constitue une violation intolérable des principes fondamentaux internationaux mais également de ceux prévus par la Constitution algérienne, elle-même.
La LICRA, association régie par la loi de 1901, poursuit l’objectif statutaire de lutter contre le racisme, l’antisémitisme, la xénophobie, la discrimination et défendre leurs victimes individuelles ou collectives.
Monsieur Boualem SANSAL, membre du comité d’honneur de la LICRA partage avec nous l’ensemble de ces combats et à ce titre la LICRA ne peut accepter que Monsieur Boualem SANSAL soit incarcéré pour avoir défendu, à nos côtés, ces valeurs reconnues par la communauté internationale.
Nous entendons par la présente émettre la plus vive protestation contre l’attitude du Gouvernement algérien constitutive d’une voie de fait inacceptable et exigeons la libération immédiate de Monsieur Boualem SANSAL.
Nous vous prions d’agréer, Monsieur l’Ambassadeur, l’expression de notre considération distinguée.
Pour l’ensemble des avocats et juristes de la Commission juridique de la LICRA.
Signataires :
Elisa ABOUCAYA, avocate au barreau de Paris
Annaël BASHAN, avocate au barreau de Paris
Céline BEKERMAN, avocate au barreau de Paris
Louis BENSA, avocat au barreau de Nice
Julien BENSIMHON, avocat au barreau de Paris
Cyril BONAN, avocat au barreau de Paris
Simon BURKATZKI, avocat au barreau de Strasbourg
Rodolphe CAHN, avocat au barreau de Mulhouse, Président de la Commission Juridique de la LICRA
Edouard CAHN, avocat au barreau de Paris
Galina ELBAZ, avocate au barreau de Paris, Vice-présidente de la LICRA
Caroline ELKOUBY-SALOMON, avocate au barreau de Paris
Marc EPSTEIN, juriste
Catherine FALOURD, avocate
Gilbert FLAM, Magistrat honoraire
Philip GAFFET, avocat au barreau de Limoges
Sabrina GOLDMAN, avocat au barreau de Paris
Norbert GRADSZTEJN, avocat au barreau de Paris
Hugo HAYOUN, avocat au barreau de Paris
Alain JAKUBOWICZ, avocat au barreau de Lyon, Président d’honneur de la LICRA
Johanna PREVOST, avocate au barreau de Paris
Myriam PICOT, avocate honoraire, ancienne Bâtonnière du Barreau de Lyon
Francis PUDLOWSKI, avocat au barreau de Paris
Lucie RAIN, avocate au barreau de Paris
Sophie RUBEN, avocate au barreau de Paris
Philippe SCHMIDT, avocat au barreau de Paris, 1e Vice-président de la LICRA
Sarah SCIALOM, avocate au barreau de Paris
Mario STASI, avocat au barreau de Paris, Président de la LICRA
Isabelle SULPICY, avocate au barreau de Paris
Serge TAVITIAN, avocat au barreau de Marseille
Tina THEALLET, responsable du service juridique de la LICRA
Stéphanie ZAKS, avocate au barreau de Paris