Le mot de Mario Stasi, président de la Licra. Publié dans Le DDV • Revue universaliste N°691 – “Désordre informationnel : Une menace pour la démocratie” – Automne 2023 (En savoir plus).
Au milieu des catastrophes humanitaires, climatologiques, des secousses telluriques, géopolitiques et politiques, dans cette dépression d’atmosphère qui s’étire, le titre de cette tribune n’annoncerait-il pas un message trompeur ou faussement optimiste, une fake news ou une infox en quelque sorte ? Il n’en est rien. J’ai toujours appelé mes amis et les militants de la Licra à suivre le précepte de Shimon Peres, lucide, qui répétait que « les optimistes et les pessimistes meurent exactement de la même manière » mais qu’ « ils vivent des vies très différentes »… Alors réjouissons-nous, pour une fois, car certaines initiatives politiques donnent à espérer.
Les règles du monde réel
Réjouissons-nous car un règlement édicté par la Commission européenne, le Digital Services Act (DSA), est entré en application à la fin du mois d’août dernier sur notre territoire national. Ces espaces de liberté d’expression que sont les réseaux sociaux doivent enfin cesser d’être des champs de bataille où les haineux de tous horizons se retrouvent et agissent en toute impunité. Il en a jusqu’alors été ainsi avec la complicité passive, aveugle et commerciale des plateformes, dont les politiques de « modération » ont principalement obéi à la recherche du profit plutôt qu’à un semblant d’éthique, ou à un quelconque respect des principes de la Convention européenne de sauvegarde de droit de l’homme.
Dorénavant, laissés sans réaction et malgré des alertes, celles notamment des partenaires de confiance, telle la Licra, des propos antisémites ou racistes sur une plateforme devraient entraîner pour cette dernière une responsabilité pénale et des sanctions financières pouvant aller jusqu’à 6% du chiffre d’affaires de l’entreprise. S’y ajoutent des obligations de moyens pour une modération efficace des contenus dont il faudra rendre compte à l’Arcom, autorité de régulation en France de la communication audiovisuelle et numérique en France ;
Je vous invite à lire l’ensemble de ce règlement. En définitive, les règles du monde virtuel vont tendre à se rapprocher de celles du monde réel. Même si, dans les faits, aujourd’hui, le virtuel n’a déjà plus de virtuel que le nom : il est depuis longtemps avéré que ce qui macère dans l’espace numérique pèse concrètement sur la vie des individus, sur leur intégrité morale et parfois physique. Oui, l’espace numérique va cesser d’être ce monde à part où les libertés de s’informer et de communiquer, thématique traitée dans ce numéro du Droit de Vivre, sont constamment dévoyées et piétinées. Les règles qui président à la vie en société doivent s’appliquer de la même façon sur ces espaces qui ont envahi tous les aspects de nos existences. La loi le prévoit. Les politiques et la société civile y veilleront. La Licra y sera particulièrement attentive.
Encore un effort !
Réjouissons-nous encore ! Le délinquant raciste voit petit à petit disparaitre les protections procédurales dont il bénéficie et derrière lesquelles il s’abrite pour échapper aux poursuites et aux sanctions judiciaires. Deux députés, Caroline Yadan et Mathieu Lefèvre, viennent en effet de déposer une proposition de loi visant à combler le « vide juridique » qui permet aux auteurs de propos racistes ou antisémites d’échapper à des peines d’emprisonnement. On se souvient à cet égard du fugitif et multirécidiviste Alain Soral, résidant en Suisse, et de sa condamnation en avril 2019 à une peine d’un an de détention pour contestation de crime
contre l’humanité. La peine avait été assortie d’un mandat d’arrêt. Le parquet avait fait appel, estimant que le tribunal ne pouvait pas délivrer un tel mandat dans le cadre d’une infraction relevant de la loi de 1881 sur la liberté de la presse. Car, il faut le rappeler, c’est au cœur de cette loi qui sacralise la liberté d’expression que sont inscrites les dispositions qui sanctionnent le racisme et l’antisémitisme. Pour remédier à ce type de cas, la présente proposition de loi prévoit d’ « élargir le pouvoir du tribunal en lui donnant la possibilité d’émettre un mandat de dépôt ou un mandat d’arrêt pour permettre l’exécution immédiate de la peine d’emprisonnement en cas de condamnations pour contestation de crimes contre l’humanité ou apologie de crimes contre l’humanité ou de crimes de guerre ». C’est la fin de l’impunité pour ceux qui se moquent de la dignité humaine et jouent avec les lois. Encore un effort mesdames et messieurs les législateurs et nous arriverons à faire du délinquant raciste un délinquant de droit commun, avec les mêmes droits et les mêmes devoirs. Sans les protections réservées aux journalistes prévues par la loi de 1881. Sortons les dispositions de la loi contre le racisme de 1972 de la loi de 1881 qui protège sans raison ces délinquants. La Licra, par la voix de ses présidents et de ses militants, le demande depuis des années.
Continuons le combat !