Le mardi 9 mai 2023, un gendarme a ouvert le feu sur ses collègues en faction devant la synagogue de Djerba, abattant deux d’entre eux, en blessant quatre, puis quatre autres personnes présentes dans la synagogue, et en en tuant deux autres.
Pourquoi ? « On ignore encore les motivations de l’assassin, » rapporte un article de Libération. «Les investigations se poursuivent pour connaître les motifs de cette agression lâche » précise de son côté le ministère des Affaires étrangères.
Les motifs de cette agression lâche ? La réponse semble pourtant simple, immédiate, incontestable, massive : l’antisémitisme. L’antisémitisme, quoi qu’il en soit du profil – psychologique, psychiatrique, sociologique, de l’assassin. A-t-il été pris d’une «bouffée délirante » meurtrière, était-il « sous l’emprise de drogues » ? Ou sous l’influence d’un groupe terroriste voyant en tout Juif un ennemi à abattre ? Peu importe.
Peu importent les raisons, voire l’absence de raison d’un homme dont le délire fixerait sur de paisibles visiteurs venus se recueillir, ou simplement admirer un haut lieu de l’architecture religieuse, sa haine irrationnelle, une haine tellement absolue qu’elle le conduirait pour être satisfaite, à tuer aveuglément, à tuer même des collègues pourvu que cela lui permette de tuer des Juifs : la folie, le fanatisme, l’aveuglement, se traduisent ici en un mot unique, l’antisémitisme. Dès lors oui, pourquoi ?
Pourquoi en 2023 l’antisémitisme encore ? Pourquoi l’antisémitisme en ce lieu si beau, en cette île de lègende qu’est Djerba, qu’on aurait pu croire préservée, davantage que tout autre endroit au monde – préservée de tout, préservée de « ça » ? Oui, pourquoi ? Pourquoi cette violence, cette haine et ce déni d’humanité, cette sottise infinie, ces morts ? Qui peut comprendre ?
(Pourquoi ? Warum ? demandait, au témoignage de Primo Levi un détenu d’Auschwitz au gardien qui le tourmentait – pour s’entendre répondre : « hier ist kein warum ! » « Ici il n’y a pas de pourquoi ».)
L’antisémitisme est sans pourquoi. Il est juste là, simplement là, désespérant, opaque, il revient, sans explication ni cause. N’appelant aucune réponse.
Ou plutôt appelant une réponse, une seule, qu’il faut avoir en réserve, toujours, avoir à coeur d’avancer, chaque fois, dans toutes ses langues et dans toutes les langues, de toutes les manières possibles, encore et encore, quoi qu’il en soit :
NON.
Alain David,
Délégué de la Licra à la Commission nationale consultative des Droits de l’Homme (CNCDH)