ENTRETIEN. Mario Stasi, président de la LICRA, plaide en faveur de l’éducation et dénonce notamment « le robinet de haine » des réseaux sociaux.
Publié le par Benoît Lasserre.
Elu il y a un an président de la LICRA, Mario Stasi est ce jeudi 22 novembre à Bordeaux et vendredi à Périgueux pour débattre avec les élus locaux du combat à mener contre le racisme et l’antisémitisme.
« Sud Ouest ». Les actes antisémites ont augmenté en dix mois de 69%. Que peut faire la LICRA ?
Mario Stasi. L’antisémitisme sous toutes ses formes, agressions physiques ou verbales, insultes sur les réseaux sociaux, propos négationnistes, continue de progresser alors que les autres manifestations de racisme sont plutôt en stagnation. Moins d’1% de la population française est donc victime de 30% des actes de haine et de discrimination.
Ce phénomène n’est pas nouveau et l’antisémitisme n’a jamais cessé d’exister. Mais il faut enfin prendre des décisions en matière d’éducation et de lutte sur les réseaux sociaux. À la LICRA, nous voulons désormais nous faire connaître pour ce que nous faisons plus encore pour ce que nous disons.
Défiler dans la rue en criant “Non au racisme” ne sert à rien
Il faut d’abord éduquer les plus jeunes et cette action est menée de façon très efficace à Bordeaux. Il faut aller dans tous les établissements scolaires pour s’adresser aux élèves et les sensibiliser à ce que signifient la laïcité, la République, la discrimination, les génocides. Il faut éveiller leur esprit critique pour qu’ils ne soient pas les victimes de prosélytisme malsain. Cela se fait avec le soutien sans faille du ministre Jean-Michel Blanquer ainsi qu’avec les élus locaux.
Les statistiques montrent les limites d’une telle politique.
Le travail sera long. Défiler dans la rue en criant « Non au racisme » ne sert à rien. Je le répète, le combat passe par l’éducation mais aussi par les réseaux sociaux. Il faut couper ce robinet de haine qu’ils peuvent être. Nous demandons une loi, dans les plus brefs délais, qui, comme en Allemagne, sanctionne les hébergeurs qui ne retirent pas dans les 48 heures tout propos raciste ou antisémite. Le délinquant raciste et antisémite doit être traité comme un délinquant ordinaire et cesser de bénéficier de la protection de la loi de 1881 sur la liberté de la presse. Il doit être jugé dans les 48 heures et son procès ne doit pas devenir une tribune.
Êtes-vous inquiet face au climat politique qui s’installe en France, en Europe ou dans le monde ?
Je ne sais pas s’il faut se référer aux années 30 mais oui, bien sûr, je suis inquiet devant cette progression du populisme, du nationalisme, du repli identitaire sur soi qui n’a pour seul objectif que faire naître chez l’autre la peur de l’étranger.
Cette tradition d’accueil est très forte à la LICRA. Alors cette façon de désigner des boucs émissaires ne peut que nous inquiéter.
La LICRA s’est créée avec l’accueil des Juifs ukrainiens qui fuyaient les pogroms en 1927. Et elle n’a cessé de plaider en faveur de l’accueil des migrants qui voulaient échapper à la mort dans leurs pays, comme les boat people du Vietnam ou du Cambodge. Cette tradition d’accueil est très forte à la LICRA. Alors cette façon de désigner des boucs émissaires ne peut que nous inquiéter.
Que pensez-vous d’une éventuelle réforme de la loi de 1905 ?
La loi de 1905 n’est pas la loi d’organisation des cultes. Elle organise l’espace au sein duquel on est libre de croire ou de ne pas croire. C’est un espace de construction commun, terme que je préfère au vivre ensemble car on peut très bien vivre ensemble sans rien construire. Il y a en France deux problèmes urgents à régler. La formation des imams et le financement de l’islam en France. Je ne sais pas s’il est nécessaire pour cela de toucher à la loi de 1905 et, si oui, il faut le faire avec la plus grande précaution. Les réseaux sociaux, encore eux, me semblent plus dangereux que les prêches dans certaines mosquées pour répandre l’islamisme. Ce qui est certain, c’est que l’islam ne pourra évoluer qu’avec la participation des représentants de l’islam.
En conférence débat à Bordeaux
En marge de l’exposition « L’antisémitisme du Moyen-Âge à nos jours » (Hall d’entrée de l’Hôtel de Bordeaux Métropole, jusqu’au vendredi 24), une conférence-débat est donnée par Frédéric Encel intitulée « l’antisémitisme d’hier à aujourd’hui » jeudi 22 novembre, suivie d’un débat en présence de Mario Stasi, Cindy Léoni représentante de la DILCRAH* et Clothilde Chapuis, présidente de la Licra Bordeaux. À 19h30 dans le salons de l’Hôtel de ville.
Bonjour, je suis d’accord, il faut parler, sensibiliser les jeunes au racisme et au génocide comme celui des Juifs, des Rwandais ou encore parler de la colonisation comme les congolais, les Camerounais ou les Palestiniens et tant d’autres. ..