Par Mario Stasi, Président de la Licra.
Le 19 mars 2012 vers 8 h, le terroriste islamiste Mohammed Merah, une caméra sanglée sur la poitrine, arrive devant l’école juive Ozar Hatorah de Toulouse et ouvre le feu sur l’enseignant Jonathan Sandler, âgé de 30 ans, ainsi que sur ses deux jeunes fils, Gabriel, 3 ans, et Aryeh, 6 ans, avant de prendre pour cible Myriam Monsonégo, 8 ans. Il tente également de tuer Yacov David Soussan, employé de l’école Ozar Hatorah, et un collégien, Bryan Bijoui.
Identifié quelques jours plus tard par la police, Mohammed Merah était neutralisé lors de l’assaut de son appartement. Il achevait ainsi son parcours criminel après avoir assassiné le 11 mars 2012 le maréchal des logis-chef Imad Ibn Ziaten du 1er régiment du train parachutiste, dans le quartier de Montaudran, au sud-est de Toulouse, au moyen d’une arme à feu, en lui déclarant « tu tues mes frères, je te tue », après avoir également assassiné, le 15 mars 2012, deux autres militaires, Abel Chennouf, âgé de 26 ans et Mohamed Legouad, âgé de 24 ans, et blessé grièvement un troisième, Loïc Liber, âgé de 28 ans.
Cette date du 19 mars réveille chaque année des sentiments effroyables de révolte et de douleur. L’assassinat d’un enseignant, parce que juif, et d’enfants, parce que juifs, est une abomination. Mais ces sentiments ne doivent pas être vains. Notre engagement, à la LICRA, est de mobiliser notre indignation au service de notre engagement quotidien et d’agir, encore et toujours, contre la haine des juifs.
Notre rôle est de nommer les choses, d’expliquer que le fondamentalisme islamiste porte en lui un antisémitisme intégral et une volonté de destruction assumée. C’est la raison pour laquelle j’ai engagé la LICRA, depuis plusieurs années, dans la prévention de la radicalisation et la sensibilisation à ces sujets, dans le cadre de notre partenariat avec le ministère de l’Intérieur. C’est la raison pour laquelle nous nous battons chaque jour contre ceux qui veulent rendre invisible le mot même d’antisémitisme, nier sa spécificité et le noyer, pour ne plus le voir, dans un vocabulaire d’aveuglement et de dénégation.
Notre rôle est d’être aux côtés des victimes, partie civile, comme nous l’avons été, aux procès des complices de Mohammed Merah grâce à nos avocats, engagés et bénévoles au service de notre cause, Me Juliette Chapelle, Me Rachel Lindon et Me Sahand Saber. Notre rôle est de contribuer à la manifestation de la justice contre les crimes antisémites dont Ilan Halimi, Sarah Halimi, Mireille Knoll, Yohan Cohen, Philippe Braham, Michel Saada et Yoav Hattab ont tous été victimes.
Notre rôle est de prendre notre part dans la bataille intellectuelle actuellement à l’œuvre et proposer des outils utiles au combat culturel contre l’antisémitisme. C’est le sens que nous avons voulu donner à notre revue, Le Droit de Vivre en renouant avec une longue tradition d’affirmation de notre attachement à la raison et aux mots qui nous engagent.
Notre rôle est d’aller dans les écoles et parler de la réalité de l’antisémitisme, d’expliquer ses mécanismes, de montrer d’où il vient et où il conduit, de faire œuvre d’explication, d’incarner une pédagogie en mobilisant notre expérience et la mémoire de ceux qui sont morts pour le simple fait d’être nés juifs.
Au procès de Klaus Barbie, le 27 mai 1987, Sabine Zlatin, la directrice de la colonie des enfants d’Izieu, qui furent pour la plupart déportés et gazés à Auschwitz-Birkenau, faisait retentir sa douleur dans le silence de la Cour d’Assises : « Barbie a toujours dit qu’il s’occupait uniquement des résistants et des maquisards ; ça veut dire, des ennemis de l’armée allemande. Je demande : les enfants, les quarante-quatre enfants, c’était quoi ? C’était des résistants ? C’était des maquisards ? Qu’est-ce qu’ils étaient ? C’était des innocents. »
À Toulouse aussi, les enfants – et le père de deux d’entre eux – étaient des innocents. Nous ne les oublierons jamais, comme toutes les victimes du terrorisme islamiste.
Mario Stasi
Président de la LICRA