Le 13 janvier 1898, Emile Zola publie dans « L’Aurore » une tribune intitulée « J’accuse…! Lettre au Président de la République », trouvaille éditoriale de Georges Clemenceau, alors patron de la rédaction du journal.
Par cet acte fondateur, Zola jette toutes ses forces dans une bataille historique : celle de défendre le capitaine Alfred Dreyfus, injustement accusé d’avoir trahi la France et victime d’une campagne antisémite d’une ampleur alors inédite. Depuis 1894 et la condamnation aux travaux forcés, sur l’Ile du Diable, de ce jeune militaire, la polémique enfle et agite le pays.
En une journée, 300 000 exemplaires du « J’accuse … ! » sont vendus dans la capitale. Le choc est si violent que, pour reprendre les mots de Péguy, « Paris faillit se retourner ».
Le général Billot, ministre de la Guerre, porte plainte contre Zola qui est immédiatement renvoyé devant la justice à une époque où la diffamation envers une autorité publique était alors passible des Assises. L’écrivain est condamné au maximum de la peine – un an de prison – et est contraint à l’exil.
Il avait pourtant sauvé l’honneur de la France en mettant « la vérité en marche » contre un mensonge d’Etat et une propagande antisémite qui, elle, en revanche, ne s’arrêtera pas.
Le 27 janvier 1945, alors que le monde découvrait abasourdi jusqu’où pouvait conduire la haine des juifs, Charles Maurras, condamné pour haute trahison et intelligence avec l’ennemi par la Cour d’Assises du Rhône, ne put retenir une dernière obsession en s’écriant : « C’est la revanche de Dreyfus ». A tout le moins, c’était sans doute celle de Zola.