Claude-Gérard Marcus est né à Paris le 24 août 1933. Réfugié à Nice sous l’Occupation, il échappe aux rafles. Il adhère dès 1948, à l’âge de 14 ans, au Rassemblement du Peuple français, que préside le général de Gaulle. Engagé aux côtés des jeunes de la Ligue internationale contre l’antisémitisme, il donne régulièrement des articles au Droit de Vivre, où il évoque l’action des étudiants face à l’extrême droite. Il traite également de questions politiques comme l’Europe (il milite activement contre le projet de Communauté européenne de défense), l’Union française ou encore l’Algérie. Fidèle au gaullisme, il sera député du 10e arrondissement de Paris de 1968 à 1997 et maire de ce même arrondissement de 1983 à 1989. Président du Musée d’art juif de Paris, il est l’un des fondateurs du Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme (MAHJ), qu’il préside jusqu’en 2001. Il en est ensuite le Président d’Honneur. Il préside par ailleurs l’Association nationale Judaïsme et Liberté. Dans le texte qui suit, publié en décembre 1952 dans les colonnes du Droit de Vivre, Claude-Gérard Marcus, alors âgé de 19 ans, plaide en faveur d’un antiracisme de dialogue, éloigné d’un manichéisme militant.
“Il existe, chez certains antiracistes, une néfaste tendance à ne pas admettre la remise en question et la discussion des fondements de l’antiracisme. Cela est compréhensible. Il est toujours difficile d’accepter que ce qui nous parait logique ne le paraisse pas à tout le monde. Expliquons-nous. Beaucoup d’antiracistes omettent volontairement de répondre aux attaques incessantes des racistes, parce que cette réponse ne leur parait pas nécessaire. De cette position, il découle une conception manichéiste, à la fois simpliste et erronée. Le monde serait, suivant elle, divisé en bons et mauvais, en racistes et antiracistes et le combat antiraciste se limiterait à la lutte, parfois violente, entre militants racistes et militants antiracistes. Cela est faux !
Entre le raciste acharné et l’antiraciste convaincu s’échelonnent de multiples nuances. Chez nombre d’antiracistes sincères demeurent encore des préjugés : tel quant aux Nord Africains, tel quant aux Noirs, tel quant aux Juifs. De même, beaucoup n’ont de raciste que le nom ou l’apparence qui recouvrent quelques préjugés et un fond qui n’est peut-être pas mauvais. Innombrables surtout sont ceux pour qui ces problèmes ne se posent pas ou sont mineurs, et qui, ni racistes, ni antiracistes, suivent tantôt les uns, tantôt les autres.
Les antiracistes doivent le comprendre pour agir efficacement. Il ne suffit pas de vouer les racistes aux Enfers, ni même de les combattre par la force, si cela s’impose, il est avant tout nécessaire de mener un combat contre l’ignorance.
Sans se lasser, il faut répéter à qui les ignorent les données biologiques, historiques, économiques, sociales des faits envisagés.
Aux préjugés doivent répondre des faits, aux arguments des preuves. Mais il est primordial de ne pas condamner à priori ceux qui sont dans l’erreur. L’antiracisme n’a rien à voir avec la haine. Il est bien sûr une position combattante, mais il doit surtout être un apostolat. Comme le disait un grand auteur espagnol : « Il ne suffit pas de vaincre, encore faut-il convaincre. »
Certes, il est fastidieux, lassant, énervant même de répondre à des arguments déjà entendus une bonne centaine de fois, tels que : « Les Noirs sont paresseux » – « Les Juifs sont toujours unis contre les chrétiens », etc. mais c’est la condition première d’un antiracisme militant.
Chaque antiraciste doit s’armer d’une dose énorme de patience et de calme, s’il veut aboutir.
L’antiracisme militant se doit d’être un combat scientifique et idéologique permanent contre les mythes racistes, l’acceptation sans cesse renouvelée de la discussion des principes fondamentaux, avant tout le monde, et surtout avec l’adversaire : sous peine de quoi, il se limiterait à une prise de position, nécessaire, mais stérile et inefficace.”