Il est 15h27 le samedi 24 mai 2014 au Musée juif de Belgique, situé rue des Minimes dans le quartier du Sablon à Bruxelles. Des coups de feu éclatent. Un homme a fait usage d’une Kalachnikov, sans crosse et pliable. L’action a duré deux minutes. Trois personnes ont été tuées sur le coup : un couple de touristes israéliens, Miriam et Emmanuel Riva, 53 et 54 ans, et une Française bénévole, Dominique Sabrier, 66 ans. Touché lui aussi, Alexandre Strens, 25 ans, employé à l’accueil du Musée, mourra des suites de ses blessures quelques jours plus tard, à l’Hôpital Saint-Pierre de Bruxelles. Équipé d’une caméra, comme Mohammed Merah deux ans plus tôt, le tueur a voulu filmer son crime.
Le 30 mai 2014, à la sortie d’un bus en provenance d’Amsterdam, un contrôle inopiné organisé à la gare routière de Marseille-Saint-Charles permet d’identifier et d’arrêter l’auteur de cet attentat antisémite. Dans ses bagages, l’arme du crime, le drapeau de Daesh ainsi que la caméra Go Pro qui, le jour de l’attentat, n’a pas fonctionné. Il s’agit de Mehdi Nemmouche, né en 1985 à Roubaix. Le jeune homme a grandi dans le quartier des Trois-Ponts et celui de La Bourgogne, zones sensibles de l’agglomération. Délinquant, auteur de plusieurs cambriolages, vols et recels, il a également agressé en 2002 une enseignante avec une arme, à Tourcoing, ce qui lui a valu une condamnation à trois mois de prison dont deux avec sursis par le Tribunal pour enfants de Lille. De 2007 à 2012, il est incarcéré à la maison d’arrêt de Grasse, au centre pénitentiaire de Salon-de-Provence puis au Pontet près d’Avignon et enfin à la prison de Toulon-La Farlède pour trois vols avec armes. L’administration pénitentiaire observe alors sa radicalisation. Le 20 septembre 2011, il est placé en quartier disciplinaire pour l’agression d’un gardien. Alors qu’il refuse un téléviseur, appareil qu’il considère comme contraire aux préceptes de l’islam, il en demande toutefois un lors de l’affaire Merah à Toulouse, en mars 2012. Il rendra l’appareil une fois l’affaire terminée.
Signalé à la DCRI à sa sortie de prison, en décembre 2012, en raison de sa radicalisation, fiché S, il échappe à la surveillance de la police. Il se rend tout d’abord à Londres, à la mosquée fondamentaliste de Kingston Road. Il prend ensuite la route du Proche-Orient : Liban, Turquie et enfin la Syrie. Il prend un nom de guerre, « Abu Omar Al-Firansi », « Le Français ». Engagé dans les troupes de Daesh, il fait office de geôlier, particulièrement brutal avec certains otages dont le journaliste français Nicolas Hénin qui l’accuse de torture. De retour en Europe, il brouille les pistes en faisant des détours par l’Asie : de Syrie, il rejoint Istanbul puis la Malaisie, Singapour, Bangkok avant d’atterrir à Francfort-sur-le-Main le 18 mars 2014 où les services de renseignements allemands le repèrent. Quelques jours seulement avant l’attentat du Musée juif.
Le 12 mars 2019, Mehdi Nemmouche est condamné à la réclusion criminelle à perpétuité assortie d’une peine de sûreté de 15 ans. Son complice et ancien co-détenu, Nacer Bendrer, considéré comme co-auteur des faits, est condamné à 15 ans de réclusion criminelle assortie d’une peine de sûreté de 5 ans. Les avocats de Nemmouche, Sébastien Courtoy et Henri Laquay, ont fait le choix d’une défense provocatrice, imprégnée d’un complotisme délirant. Les ex-otages détenus par Nemmouche, à l’audience, ont révélé aux jurés, au-delà de la cruauté de Nemmouche, un antisémitisme viscéral, un homme capable d’expliquer que le tueur d’enfants juifs Mohammed Merah serait, selon lui, « le plus grand mec que la France ait produit », un homme exprimant son envie de tuer des juifs. Nemmouche est l’archétype du radicalisé qui passe à l’acte et qui a coché toutes les cases du terrorisme islamiste : radicalisation en prison, formation en Syrie, passage à l’acte en Europe, avec pour seul horizon la haine des juifs, une haine qui a causé la mort de quatre innocents, dans un lieu d’art et de culture, au cœur de la capitale de l’Europe.