Nous sommes entre les deux tours de l’élection présidentielle de 2017. Dans la nuit du 3 au 4 avril 2017, un corps chute du balcon 3ème étage de l’immeuble du 30 de la rue Vaucouleurs dans le 11ème arrondissement de Paris. En chemise de nuit blanche, recouverte d’hématomes, Sarah-Lucie Halimi gît au sol. Cette directrice de crèche retraitée, médecin de formation, âgée de 65 ans décède. Un article de Libération relate rapidement les faits :
« Un Français de 27 ans d’origine malienne habitant aussi le 30 rue de Vaucouleurs, sort de chez lui et se rend chez des amis qui résident au 26, au troisième étage. Côté cour, les deux immeubles se jouxtent. Dans cette configuration, l’appartement de la famille D. est mitoyen avec celui de Sarah Halimi, et leur balcon est contigu au sien. Les D., qui connaissent K.T., le laissent entrer. Celui-ci adopte rapidement une attitude inquiétante. Ils décrivent le jeune homme comme étant «nerveux» et «agressif», avec un comportement anormal, puisqu’il tient ses chaussures dans ses mains. Pris de panique, ils se barricadent dans une pièce avec leurs enfants et appellent la police à 4 h 22, tandis que l’homme entame une prière ponctuée de «Allah akbar» dans le salon, assez fort pour que le père de la famille D. distingue des sourates du Coran.Une équipe de trois policiers de la BAC de quartier arrive sur place à 4 h 25. Postés devant la porte des D., ils décident de ne pas intervenir, prétextant des renforts en route. Sa prière achevée, K.T. se dirige vers le balcon de la famille, l’enjambe et atteint celui de Sarah Halimi. Pour Me Buchinger, la stratégie du meurtrier présumé, qui s’est d’abord introduit chez des amis pour accéder au balcon de la victime, ne trompe pas. Tout comme son accoutrement et le soin qu’il a pris de se changer avant d’agir : «C’est ce que font les “martyrs” radicalisés quand ils s’apprêtent à rejoindre le paradis», affirme l’avocat qui s’est constitué partie civile avec deux confrères auprès des enfants et du frère de Sarah Halimi. S’ensuivent des actes de torture et de barbarie d’une «cruauté insoutenable». Surprise dans son sommeil, la victime est d’abord rouée de coups, tout en étant traitée de «sheitan» (le «diable» en arabe). Une voisine, réveillée par les cris, appelle Police Secours vers 4 h 45. Elle décrit une femme en train de se faire frapper sur le balcon en face du sien. Une seconde équipe de la BAC se rend alors au 30 rue Vaucouleurs et se positionne dans la cour de l’immeuble. Sous le regard des policiers, Sarah Halimi est défenestrée quelques minutes plus tard. ».
Le 19 décembre 2019, la chambre de l’instruction de la Cour d’Appel de Paris décide que Kobili Traoré était, en raison notamment d’une « consommation excessive de cannabis », « pénalement irresponsable » au moment des faits, au sens de l’article 122-1 du Code Pénal. La justice met fin à sa détention et ordonne son hospitalisation et des mesures de sûreté pour une durée de 20 ans, comprenant l’interdiction d’entrer en contact avec les proches de la victime et de retourner sur les lieux. Cette décision intervient à l’issue d’une enquête chaotique, d’une bataille d’experts, de difficultés immenses, pour les parties civiles, à faire reconnaitre le caractère antisémite de ce crime et un revirement du Parquet qui, en première intance, avait requis le renvoi devant une cour d’Assises avant de se raviser en appel. L’émotion est telle que des manifestations sont organisées dans toute la France pour demander justice. Me Szpiner, avocat de la famille Halimi, a annoncé qu’il déposait un pourvoi en cassation.
Dans un communiqué, le président de la LICRA, Mario Stasi, réagit : « Cette décision, qui s’impose à tous, crée néanmoins un vide immense pour la famille de la victime à laquelle il ne sera donc jamais rendu justice. Elle laisse un vide immense crée par une bataille d’experts qui aurait dû être tranchée « au nom du peuple Français » par des jurés populaires à l’issue de débats contradictoires permettant de considérer sa dimension antisémite. On peut regretter que la Cour d’Appel ait fait le choix de préempter une décision qui aurait pu être soumise à une Cour d’Assises. Cette situation laisse tous les protagonistes de cette affaire au bord du chemin, la réduisant, et c’est difficilement supportable, à un simple coup du sort.
Aujourd’hui, M. Traoré est hors de portée de toute mesure judiciaire et son cas est confié à une décision médicale administrative. Il faut espérer que ceux qui auront la charge de décider de l’avenir du meurtrier de Sarah Halimi sauront, eux, ne pas créer un vide supplémentaire en veillant à protéger la société d’une nouvelle « bouffée délirante » antisémite. »
Mars 2014, agression raciste d’une jeune femme blanche à Evry : quadruple viol et actes de torture. Hormis Le Parisien, les médias passent sous silence cette horreur ou son caractère raciste. Silence de la classe politique et déni des autorités judicaires.
Avril 2017, meurtre raciste et antisémite de Sarah Halimi à Paris. Hormis une partie de la presse écrite, la majorité des médias passent sous silence cette horreur. Silence de la classe politique et de nouveau graves dysfonctionnements du système judiciaire.
A titre personnel j’ai appris l’existence de ces deux crimes racistes et la manière dont ils avaient été étouffés (car c’est bien le cas, et pour les mêmes raisons) au printemps 2017. Dès lors j’ai perdu toute foi en la société française contemporaine , en ses représentants et en ses diverses institutions.