La formation du « Conseil national de la Résistance » résulte d’un processus d’unification des acteurs de la résistance intérieure et de la nécessité pour le Comité national français (CNF) – instance de la France Libre tenant lieu de gouvernement en exil –, de prouver aux Alliés sa légitimité nationale et républicaine.
Envoyé de Londres en France en mars 1943, Jean Moulin a pour mission de constituer un « Conseil de la Résistance » qui doit, le mieux possible, représenter les forces de la nation : les acteurs de la Résistance mais aussi les partis traditionnels et les syndicats, reconstitués dans la clandestinité depuis le début de l’Occupation. L’instance doit apparaître comme une émanation du peuple français.
Le Conseil de la Résistance se réunit pour la première fois le 27 mai 1943, dans un appartement au n°48 de la rue du Four, dans le VIe arrondissement à Paris. Il comprend alors seize membres : huit représentants des mouvements de résistance (Libération-Nord, Libération-Sud, Organisation civile et militaire, Ceux de la Résistance, Ceux de la Libération, Front national, Combat, Franc-Tireur) ; six représentants des partis politiques (communistes, socialistes, radicaux, démocrates-chrétiens, Alliance démocratique, Fédération républicaine) ; deux représentants des principales centrales syndicales d’avant-guerre (CGT, CFTC).
Ce 27 mai, la séance est présidée par Jean Moulin qui lit un message du général De Gaulle. Les discussions portent notamment sur la reconnaissance des autorités et des responsabilités respectives de De Gaulle et du général Giraud. Il est finalement admis que Giraud, commandant en chef des armées, alors à Alger, soit placé sous l’autorité du chef du Gouvernement provisoire. À cet égard, la réunion du 27 mai pèsera dans l’appréciation par les Alliés des rapports de force au sein de la Résistance.
La mise en place de l’Assemblée consultative provisoire conduit certains membres du Conseil à rejoindre Alger. Ils sont remplacés. D’autres tombent sous les coups de la répression allemande. Jean Moulin est lui-même arrêté à Caluire-et-Cuire, une commune voisine de Lyon, quelques semaines après la réunion de la rue du Four (21 juin 1943). La présidence est alors confiée à Georges Bidault.
Des mouvements de résistance sont par la suite agrégés à l’instance qui devient « Conseil national la Résistance » à l’automne 1943. La présence des partis politiques suscite discussions et désaccords, certains chefs de mouvements expliquant la faillite de la IIIe République par l’action des partis. Après des débuts difficiles, le CNR trouve sa place dans l’État clandestin et acquiert sa pleine légitimité politique. Il est un lieu de discussions et de négociations, qui permet notamment de contenir certaines divisions présentes au sein de la Résistance. À la Libération, le CNR s’efface progressivement devant le Gouvernement provisoire. À l’été 1945, il a cessé toute activité.
Le programme du CNR a été adopté le 15 mars 1944. Il comprend deux parties : l’une concerne l’action immédiate de la résistance intérieure, l’autre les mesures à appliquer dans la France libérée. Au-delà de l’épuration, il prévoit d’importantes mesures et réformes sociales (rétablissement de la démocratie, de la liberté de la presse, suffrage universel, sécurité sociale, nationalisations multiples…). Elles ont contribué à modeler le visage de la France d’après-guerre, conférant aux Français une grande partie de leurs acquis sociaux. Inspirées par le paradigme de l’État-providence, elles ont connu bien des remises en cause au cours des dernières décennies, sous les effets de la mondialisation et le coup des politiques libérales, à l’échelle nationale et européenne.
On notera que de nombreux membres du CNR furent proches de la Ligue internationale contre l’antisémitisme (LICA), faisant partie, dans l’avant ou l’après-guerre, de son comité central ou de son comité d’honneur, rédigeant des tribunes dans son organe Le Droit de vivre. Plus globalement, les membres du CNR furent actifs, après la guerre, dans le combat antiraciste, prolongeant à plus d’un titre la lutte qui avait été la leur contre le fascisme.