Le 27 avril 1848, le gouvernement de la République française publie un décret par lequel il abolit l’esclavage dans les colonies françaises, ces territoires hérités de l’Ancien Régime, dont l’économie repose encore sur les grandes plantations sucrières. La décision politique est le résultat d’un long cheminement.
Sous la Révolution, par le décret du 4 février 1794, les députés de la Convention ont commencé par abolir l’esclavage sur l’ensemble des territoires de la République, avant de se heurter à des résistances. L’abolition a été notamment entravée à la Martinique, où une révolte royaliste a conduit l’île à un accord de soumission à la royauté anglaise.
Sous Napoléon Bonaparte, l’esclavage est légalisé par la loi du 20 mai 1802, là où le décret de 1794 n’avait pas été appliquée (Martinique, Tobago, Sainte-Lucie). En outre, le système d’exploitation va être rétabli à la Guadeloupe et à la Guyane, par arrêtés consulaires, la même année. Quant à l’île de Saint-Domingue, où l’esclavage a été aboli en 1793, elle devient indépendante le 1er janvier 1804.
Les Britanniques ont pour leur part renoncé à la traite atlantique en 1807 et à l’esclavage en 1833. En France, des libéraux et des philanthropes français réclament de semblables décisions mais il faut attendre la Révolution de février 1848 pour que les abolitionnistes obtiennent satisfaction.
Le décret d’abolition est l’œuvre de Victor Schœlcher (1804-1893), sous-secrétaire d’État à la Marine dans le gouvernement provisoire de la Deuxième République. Révolté par l’esclavage qu’il a découvert sur l’île de Cuba, alors qu’il voyageait en tant que représentant d’une entreprise familiale à la fin des années 1820, Schœlcher se consacre au début des années 1830 au journalisme et à des activités philanthropiques. Favorable à l’abolition, il évolue vers une position qui prône l’interdiction immédiate, cause à laquelle il se consacre entièrement à partir des années 1840.
Après la révolution de Février, un premier décret, le 4 mars 1848, créé la Commission d’abolition de l’esclavage et place Schœlcher à sa tête. Elle conduit à la signature, le 27 avril suivant, du décret d’abolition de l’esclavage dans les colonies françaises. Son article premier affirme que « l’esclavage sera entièrement aboli dans toutes les colonies et possession françaises, deux mois après la promulgation du présent décret dans chacune d’elles. » À partir de la promulgation du décret dans les colonies, « tout châtiment corporel, toute vente de personnes non libres, seront interdits. »
À Saint-Pierre, en Martinique, une insurrection éclate le 22 mai 1848, avant même qu’ait été connue l’existence du décret. La même situation se reproduit à la Guadeloupe où le gouverneur abolit l’esclavage le 27 mai 1848 pour éteindre l’insurrection.
Les planteurs obtiennent du gouvernement français une indemnité forfaitaire, en compensation de la perte de leurs esclaves. À en croire les demandes d’indemnisation présentées, 250.000 esclaves auraient été libérés : plus de 87.000 en Guadeloupe, près de 74.450 en Martinique, plus de 62.000 à La Réunion, 12.500 en Guyane, plus de 10.000 au Sénégal.
De 1848 à 1870, début de la Troisième République, le décret est imparfaitement appliqué. Les cadres de l’esclavage perdurent, favorisés par les autorités locales. Les propriétaires ont également recours à une main d’œuvre d’origine asiatique, qui correspond à bien des égards à un esclavage déguisé. Depuis l’installation des premiers colons, au XVIe siècle, jusqu’au décret d’abolition, près de quatre millions d’esclaves (deux millions nés en Afrique, deux millions dans les colonies) ont vécu dans les colonies françaises.
Si cette histoire parait aujourd’hui lointaine, les mots de Victor Schoelcher dans son rapport en vue du débat parlementaire sur l’abolition de l’esclavage portent encore et toujours la marque de la promesse universaliste : « La République n‘entend plus faire de distinction dans la famille humaine. Elle n’exclut personne de son immortelle devise : Liberté – Egalité – Fraternité ».
Pour aller plus loin : Myriam Cottias, Les traites et les esclavages, Paris, Karthala, 2010 ; Frédéric Régent, La France et ses esclaves, Paris, Pluriel, 2012.
Cette date doit être rappelée toujours et toujours