Le vendredi 7 mars 2014, Alain Jakubowicz intervenait devant la Cour d’assises de Paris en sa qualité de président de la Licra, partie civile au procès de Pascal Simbikangwa. Retour sur son allocution.
La Licra partie civile au procès de Pascal Simbikangwa : une mission naturelle
Eu égard à sa mission de réception de la mémoire et de lutte contre le négationnisme et l’apologie des crimes contre l’humanité, c’est « naturellement » que la Licra s’est constituée partie civile au procès de Pascal Simbikangwa.
En 1927, la « Lica » a été créée pour soutenir les juifs face aux persécutions émanant d’Europe de l’est : c’est déjà là un parallèle avec ce que les Tutsi vivront à la fin du XXème siècle.
La Licra est par la suite intervenue dans les trois grands procès qui ont marqué l’histoire : Barbie, Touvier et Papon.
Si l’antisémitisme n’est plus le même, d’autres populations vont connaître des sorts similaires : la Lica est donc devenue la Licra, pour pouvoir agir quelles que soient les victimes et quels que soient les auteurs de ces crimes.
“Le crime d’être né”
La notion de « crime contre l’humanité » est née au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, lorsque les nations ont réalisé de quoi l’homme était capable. Ce crime est tellement particulier qu’il était indispensable de sortir du cadre juridique « classique » pour le rendre imprescriptible. Lors du procès Klaus Barbie, André Frossard en donnait une définition succincte mais juste : le crime contre l’humanité est « le crime d’être né » ; « l’acte de naissance vaut acte d’accusation et arrêt de mort ». L’enfant tutsi, arménien, juif, n’a aucune conscience de ce qu’il est, mais les autres l’ont pour lui.
Si chaque crime contre l’humanité a sa particularité et si rien ne se reproduit toujours de la même manière, la défense est toujours la même et le négationnisme est systématique. Elie Wiesel disait très justement, au cours du procès Barbie que « le tueur tue deux fois : une première fois en donnant la mort, puis une deuxième fois en tentant d’en effacer les traces. Si nous n’avons pas pu éviter la première mort, la seconde serait de notre faute ».
Une décision de justice rendue au nom du peuple français
Le procès Simbikangwa est le premier grand procès depuis l’affaire Papon : il faut que la matérialité des faits soit reconnue et que les génocidaires prennent conscience du risque de devoir, un jour, rendre compte de leurs actes devant la communauté des nations.
La Licra a toute sa place dans ce procès. Il faut que justice soit rendue. Cette décision sera rendue « au nom du peuple français ». C’est avec ce procès que l’histoire va être écrite. « Le génocide des Tutsi n’est pas l’affaire des Tutsi, c’est l’affaire de tous. (…) La vérité doit être rendue ».
> En savoir plus sur le procès de Pascal Simbikangwa
> Lire le compte-rendu du témoignage d’Alain Jakubowicz sur le site du CPCR