Définir… « Le conspirationnisme, la théorie du complot ou le complotisme, c’est quoi au juste ? C’est un récit pseudo-scientifique, interprétant des faits réels comme étant le résultat de l’action d’un groupe caché, qui agirait secrètement et illégalement pour modifier le cours des événements en sa faveur, et au détriment de l’intérêt public. Incapable de faire la démonstration rigoureuse de ce qu’elle avance, la théorie du complot accuse ceux qui la remettent en cause d’être les complices de ce groupe caché. Elle contribue à semer la confusion, la désinformation, et la haine ». Telle est la définition que l’on peut lire sur le site de l’Education Nationale. La question est suffisamment grave pour que le gouvernement lance une campagne et un site, ontemanipule.fr, qui vise à prévenir des thèses conspirationnistes, fleurissantes sur le net… « et qui minent notre jeunesse » selon les propos de la ministre de l’éducation, Najat Vallaud-Belkacem.
Le processus… Est toujours le même, les théories du complot partent d’une bonne volonté, dit-on, celle de ne pas croire à tout, mais ce doute devient obsessionnel et porteur de haine. Ce phénomène n’est pas nouveau, il est réapparu ces dernières années lors des attentats du 11 septembre 2001, et plus récemment depuis les attentats de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher de janvier 2015. Les raisons de ce phénomène sont multiples, la peur, l’incertitude, l’inconfort, le doute, le soupçon. Les individus sont désorientés, méfiants et plongent dans un profond désarroi allant chercher les explications les plus chimériques, les plus improbables, et interpréter les événements les plus inquiétants comme des actions guidées par des forces invisibles, des forces obscures. Les jeunes sont très friands de ces raisonnements complotistes étant peu satisfaits pour ne pas dire frustrés des explications données qu’ils jugent insuffisantes voire trompeuses face aux événements. Ainsi déferlent sur le net et ailleurs des croyances complotistes que les élites intellectuelles et politiques dénoncent et condamnent mais sans pour autant prendre le temps de les définir et de les analyser rigoureusement et s’interroger sur leur signifiant politique et social.
Pour s’interroger et en débattre… Rudy Reichstadt, Membre de l’Observatoire des radicalités politiques de la Fondation Jean-Jaurès, auteur d’une note « Conspirationnisme : un état des lieux » (Ed. Fondation Jean Jaurès, Mars 2015) et Sophie Mazet, Professeure agrégée d’anglais au lycée Auguste-Blanqui de Saint-Ouen, à l’origine des ateliers pour développer l’esprit critique des élèves, auteure d’un « Manuel d’autodéfense intellectuelle » (Robert Laffont, septembre 2015) qui démonte les propagandes et les théories du complot. Les termes du débat sont posés et les questions circulent dans la salle sur l’expression même de « la théorie du complot » qui est passée dans le vocabulaire courant mais qui n’en reste pas moins critiquable. Le philosophe et historien, Pierre-André Taguieff préfère parler de « mentalité conspirationniste » ou encore de « pensée conspirationniste » ? Pour voir le débat en vidéo, rendez-vous prochainement sur le site de la Licra et sur le blog du Cercle de la Licra.
Par Martine Benayoun