A l’occasion du premier conseil fédéral de cette mandature, Alain Jakubowicz, président de la LICRA est revenu sur les chantiers qui attendent la LICRA et ses militants dans les semaines et les mois qui viennent : consolider la LICRA comme association de référence dans la lutte contre le racisme, renouer avec un antiracisme de masse, affirmer notre indépendance et notre transparence, identifier nos adversaires et les combattre, notamment à la veille de grandes échéances électorales.
“Plus qu’une feuille de route, plus qu’un plan de mandat, je suis venu devant vous sonner la mobilisation générale.
Le contexte, vous le connaissez, il est mauvais : le racisme et l’antisémitisme, malheureusement, se portent très bien et les derniers chiffres publiés par la CNCDH confirment l’état de fébrilité et de crispation qui électrise la France. Le climat terroriste, au-delà de la menace qu’il fait peser, catalyse les peurs et le repli sur soi. L’offensive antirépublicaine grandit dans notre pays. Les échéances électorales confirment la progression irrépressible de l’extrême-droite et de l’abstention. Le communautarisme sape chaque jour un peu plus les fondements de la République, de la laïcité et le prosélytisme de l’islam radical auprès des jeunes est un poison puissant.
Face à cela, je veux vous le dire : j’ai moins peur des extrêmes qui s’expriment que des Républicains qui se taisent. A la LICRA, nous devons être fidèles à nos racines, à notre tradition d’éclaireurs qui réveillent les consciences, mobilisent et alertent. C’est de cette manière que nous avons gagné tant de combats. Nous ne nous tairons pas devant la progression du racisme, tous les racismes, et de l’antisémitisme. Nous ne nous tairons pas devant la banalisation de pseudos-antiracistes qui détournent notre cause au profit d’une nouvelle forme de racisme et d’antisémitisme. Nous ne nous tairons pas non plus devant des responsables politiques lorsqu’ils manquent aux valeurs de la République.
4 grands chantiers nous attendent pour le mandat qui commence.
1er chantier : consolider la LICRA comme association de référence dans la lutte contre le racisme et l’antisémitisme. La LICRA a une histoire solide, une expertise et un savoir-faire reconnus qui lui donnent cette légitimité et cette responsabilité. Nous avons tissé avec nos partenaires des liens étroits. Aux côtés des professionnels de la justice et du droit, nous remplissons quasiment une délégation de service public, dans l’accueil des victimes, dans les signalements des infractions, dans la pédagogie que nos militants font auprès des jeunes à l’Ecole. La LICRA, plus vieille association antiraciste au monde, a une parole qui compte et qui est entendue.
2ème chantier : renouer avec une culture militante et réinventer dans notre pays un antiracisme de masse, celui qui permettait à Bernard Lecache d’afficher fièrement une force militante de 50 000 adhérents en 1939, celui qui permettait à Joséphine Baker en 1957 de remplir plus de 70 réunions publiques dans les plus grandes salles de France pour défendre les droits des Noirs américains. Le militantisme, c’est une énergie renouvelable et inépuisable à condition de recruter massivement chez les jeunes. Quand on a été militant une fois, on l’est souvent toute sa vie. C’est le premier pas qui est le plus important : nous devons répondre collectivement à cette question : qu’est-ce qui donne envie en 2016 à un jeune de 20 ans de nous rejoindre à la LICRA ?
3ème chantier. Affirmer notre indépendance et notre liberté. Notre indépendance, c’est notre crédibilité. A la LICRA, nous de faisons pas de politique mais nous faisons de la République. C’est dire que nous n’utilisons pas le combat antiraciste à d’autres fins que la sienne : l’universalité des droits de l’Homme et l’unité du genre humain. Nous ne le détournons pas au profit de causes qui ne sont pas les nôtres. A la LICRA, nous n’avançons pas masqués. Notre indépendance a un corollaire auquel je tiens beaucoup, c’est notre transparence. Nous ne sommes pas, à la LICRA, sous la tutelle de je ne sais qui et nous n’avons rien à cacher. Nos comptes sont certifiés par un commissaire au compte indépendant et ils sont publiés au Journal Officiel. Nous sommes les seuls à le faire.
4ème chantier. Identifier nos ennemis, tous nos ennemis, et les combattre. Il y a évidemment nos ennemis héréditaires, l’extrême-droite. Même maquillée en défenseure de la laïcité, même grimée en assistante sociale, même travestie en amie des Juifs, l’extrême-droite est toujours la même : raciste, antisémite et négationniste. Elle est toujours affiliée à une tradition politique qui nous a conduit au chaos et au déshonneur. Les mois qui viennent vont être décisifs dans le combat que nous lui menons. Les échéances de 2017 vont exiger de nous de la mobilisation et de l’endurance. Evidemment, les élections présidentielles seront le premier round de ce match. La LICRA s’engagera pour mener la vie dure à l’extrême droite. Mais notre combat, ce sera de tenir jusqu’au deuxième round. Car enfin, à quoi servirait de barrer la route de l’Elysée à l’extrême-droite en mai si dès le mois de juin elle fait entrer 50 députés au Palais Bourbon Ce que nous avons fait pour les élections régionales dans trois régions, il nous faudra le faire dans 577 circonscriptions, mobiliser la jeunesse, faire inscrire les étudiants sur les listes électorales, pour tenir la ligne et obtenir, en cas de triangulaire avec l’extrême-droite, que le candidat républicain le moins bien placé se retire en appelant à faire battre les candidats de l’extrême droite. Il faut tuer une fois pour toute la stratégie pyromane du « Ni-Ni ».
Une autre donnée est aujourd’hui importante à comprendre : l’extrême-droite n’a plus le monopole du racisme et de l’antisémitisme. Le monde a changé et les fronts se sont multipliés. C’est le sens d’une tribune que j’ai signée et qui paraîtra après-demain dans Libération. Le sens de ce texte, qui nous permet dès maintenant de prendre date, est simple : l’antiracisme est universel et apolitique. Rompre l’une de ces deux conditions, c’est le pervertir, le détourner et affaiblir la République. Nous devons faire face à des pseudos-antiracistes qui ont développé un combat communautariste qui n’est autre qu’une nouvelle machine à fabriquer des racistes et des antisémites. Il est temps d’en prendre conscience pour les combattre avec la même énergie que nous le faisons avec l’extrême-droite.
Aujourd’hui, nous réalisons que combat pour les Lumières n’est pas gagné pour toujours. Il a besoin de défenseurs et de prosélytes. Pour surmonter ces difficultés, je conçois la LICRA comme un aimant qui attire à elle, à la manière de cercles concentriques, les Républicains, les humanistes et tous ceux qui sont viscéralement attachés à la devise de la République : liberté, égalité, fraternité. Je considère que c’est de cette manière que nous réussirons à construire une forme d’unité du mouvement antiraciste, le vrai, et à élargir notre influence et notre rayonnement. L’heure est venue pour les Républicains, pour les Hommes et les Femmes de progrès, de serrer les coudes et de faire front. La LICRA est aujourd’hui à la croisée des chemins pour devenir cette « réserve citoyenne » dont notre pays a tant besoin. Nous avons la capacité, à notre échelle, d’être un puissant antidote aux malheurs du monde. Nous avons la République aux tripes et il est impossible, pour nous, de nous dérober. »