En guise d’introduction, la Garde des Sceaux Christiane Taubira a évoqué son livre Paroles de liberté dans lequel elle revient entre autres sur les insultes racistes dont elle a été « la cible plus que la victime ». Ces propos ont permis d’axer les débats sur la banalisation de la parole raciste dans la sphère publique.
Libération de la parole raciste : analyses des intervenants
« Le racisme est un altéricide ». C’est avec ces mots empruntés à Christiane Taubira que le premier intervenant, Marc Leyenberger, avocat membre de la CNCDH, a insisté sur la dimension violente des différentes formes de racismes et de discriminations aujourd’hui. Si l’on observe une baisse globale des actes et menaces racistes et antisémites, il apparaît que les Français sont de plus en plus intolérants : 35 % d’entre eux se disent en effet « plutôt » ou « un peu racistes » et ils sont 68 % à juger que l’intégration des personnes d’origine étrangère fonctionne mal car ils ne se donnent pas les moyens de s’intégrer.
Selon la CNCDH, ces chiffres révèlent bien l’avènement d’un racisme décomplexé. Une véritable schizophrénie semble structurer l’opinion française puisque la majorité des citoyens condamne le racisme conceptuel, alors même qu’émerge un racisme pragmatique et empirique. Alimenté par un discours politique tenté par les amalgames et les préjugés et par un contexte de crise qui perdure, ce racisme réactionnel est désormais compris, voire justifié. L’impression que l’ «autre» nuit par ses mœurs au vivre ensemble, qu’il « envahit » la sphère publique, sont des sentiments prégnants aujourd’hui. Cette attitude défensive va de pair avec un sentiment d’abandon de l’Etat, et de menace de perte identitaire par le métissage de la société. On assiste donc à un paradoxe : un métissage de la société française qui ne s’accompagne pas d’une baisse de la parole et des actes racistes.
Rôle des politiques, travail de mémoire : quelques pistes pour lutter contre le racisme et la xénophobie
Aussi les intervenants ont-ils bien insisté sur l’importance du contexte pour appréhender les chiffres des discriminations aujourd’hui. Comprendre le racisme, c’est savoir qu’il est déterminé en partie par la conjoncture économique (la crise et le chômage en l’occurrence), susceptible de créer un terreau favorable à la montée d’idées extrémistes. Il faut aussi prendre conscience de l’importance de la politique pour enrayer sa montée en puissance, le plein emploi n’étant pas en corrélation avec une absence d’actes racistes.
L’avocat Jean-Pierre Mignard, membre du CCNE, a proposé dans son intervention des pistes pour lutter contre le racisme anti-Maghrébins et anti-musulmans, deux « catégories » de la population qui font figure de boucs émissaires en 2013, selon la CNCDH. Comme pour les juifs après la seconde guerre mondiale, il a conjecturé la nécessité de reconnaître le passé douloureux de la France en Algérie et de faire un réel travail de mémoire en vue de dépasser le racisme et les préjugés dont sont victimes ces populations.
Face au constat de l’érosion de la parole antiraciste et de la banalisation de discours de rejet de l’autre constaté par la CNCDH, le rôle de la Licra doit être plus que jamais réaffirmé. La Licra prend acte de ces conclusions pour continuer à mener son combat contre une intolérance systémique qui prend prétexte de toute différence pour stigmatiser des groupes de populations.