Dimanche 19 juin, plusieurs grandes villes d’Italie étaient appelées à renouveler leurs conseils municipaux. A Rome et à Turin, le Mouvement Cinq Etoiles fondé par Beppe Grillo a remporté des victoires incontestables. A Rome, Virginia Raggi, 37 ans, a obtenu plus de 60% des voix face au candidat de centre-gauche soutenu par le président du Conseil Matteo Renzi. A Turin, Chiara Appendino, 32 ans, a créé la surprise en battant le maire sortant Piero Fassino
Ce résultat a une apparence : le renouvellement et la féminisation de la vie politique italienne, empêtrée, comme à Rome, dans les scandales de corruption et une crise de confiance profonde. Ce résultat a une réalité : la progression inquiétante du vote « antisystème » qui ancre l’Italie dans une dérive populiste.
Car le Mouvement Cinq Etoiles ne fait pas dans la finesse. Beppe Grillo, surnommé « le Dieudonné Italien », ne cache pas sa proximité avec Maurizio Blondel, catholique traditionnaliste qui anime la sphère complotiste italienne. Et quand on parle de théories du complot, l’antisémitisme n’est jamais très loin. Dans ce domaine, Beppe Grillo multiplie les dérapages. En avril 2014, sa parodie de Si c’est un homme de Primo Lévi, accompagnée d’un photomontage « P2 macht Frei » en référence à la loge éponyme, avait suscité l’émoi et l’indignation au sein de la communauté juive et d’une partie de la classe politique italienne. Sous couvert d’antisionisme, il est grand admirateur de la République islamique d’Iran et considère que « Hitler était certainement un fou malade mais son idée d’éliminer les Juifs était d’éliminer la dictature financière ».
Raciste à souhait, il a surfé sur la crise des réfugiés, la peur de l’étranger à laquelle il associe volontiers le retour des épidémies comme la tuberculose. Mais Beppe Grillo n’est pas un cas isolé dans son parti, à l’image de Roberta Lombardi, présidente du groupe du Mouvement Cinq Etoiles au sein de la Chambres des députés, qui saluait en mars 2013 « le sens très élevé de l’Etat et de la protection de la famille » du fascisme italien.
A Rome, Virginia Raggi est restée discrète sur son programme et a mené une campagne « antisystème », contre la corruption et pour le rétablissement de services publics fortement dégradés. Durant ces derniers mois, si elle n’a pas mis en avant ses liens avec son parti, elle s’est engagée par écrit, au cours de la campagne d’investiture, à faire approuver toutes ses décisions par Beppe Grillo. Pour le second tour, elle a bénéficié du soutien de Giorgia Meloni, la « Le Pen italienne » présidente du parti d’extrême-droite « Fratelli d’Italia ». La Ligue du Nord, dirigée par Matteo Salvini, a elle aussi appelé à voter, à Rome comme à Turin, en faveur des candidates du Mouvement Cinq Etoiles. En France, l’élection de Virginia Raggi a même réussi à réunir dans un même élan d’allégresse Bruno Gollnisch et Florian Philippot, ce dernier saluant « la victoire de l’euroscepticisme et du vote antisystème ». Dans ce concert de louanges, on comptait aussi Yann Mongaburu, élu « Europe Ecologie Les Verts » de Grenoble et vice-président de la métropole des Alpes en charge des déplacements, très heureux de saluer la victoire « d’une femme maire, à vélo », symbole pour lui d’une « Europe renaissante ». Il est urgent de relire Jean-Pierre Faye et sa théorie du fer-à-cheval selon laquelle les extrêmes opposés en politique sont plus proches entre eux qu’ils ne sont proches du centre.