Depuis l’origine, en 1979, des élections pour le Parlement européen, la participation y est faible et le vote protestataire élevé. Marine Le Pen, Jean-Marie Le Pen et Bruno Gollnisch sont les élus du Front National au Parlement européen, qui tient ses séances plénières à Strasbourg. Ils font partie des non-inscrits, car ils ne sont pas membres d’un groupe politique – il faut réunir au moins 25 personnes pour en former un. Il est alors malaisé d’obtenir un texte à rapporter, ou d’avoir de longues prises de paroles en séance.
Mais en trois ans, Marine Le Pen n’a honoré le Parlement de sa venue que 122 fois. Elle était 715e sur 754 pour les votes dans l’hémicycle, n’a déposé que trois questions depuis 2009, et n’a pris que 44 fois la parole en cinq ans. Elle dit être présente à toutes les séances… En fait, pour obtenir l’intégralité de l’indemnité, les députés européens sont obligés d’être présents ! Quant à son père, il était 723e en nombre de votes. A 85 ans, il va se présenter et, pour la sixième fois aux élections européennes, dans la circonscription Paca, alors qu’il réside à Saint-Cloud en région parisienne.
Marine Le Pen se présente néanmoins comme « une victime » de ce Parlement puisque, en tant que non-inscrite, elle ne peut déposer d’amendement en session plénière. Mais elle pourrait en déposer lors du passage en commission. Pervenche Beres, député PS, membre de la même commission de l’emploi et des affaires sociales, affirme n’avoir jamais vu siéger Mme Le Pen dans cette commission. Tout cela n’empêche pas la dirigeante du FN de se présenter en victime depuis que le Parlement européen a levé l’immunité de la députée frontiste.
Ce qui est fortement paradoxal c’est que Mme Le Pen a fait du combat contre l’Union européenne sa priorité en 2014. C’est ce qu’elle inscrit sur sa feuille de route pour son parti et qu’elle présenta lors de ses voeux à la presse, le 7 janvier dernier. Après quoi vient la lutte contre l’insécurité – en réalité, celle contre les Roms. La présidente du Front National a demandé aux députés européens de son parti de quitter l’Alliance européenne des mouvements nationaux (AEMN). L’Alliance réunit des partis radicaux comme le BNP britannique et le parti hongrois Jobbik, ou le parti démocratique bulgare. Ceci va s’avérer délicat, car l’AEMN est considérée comme un parti et reçoit à ce titre des subventions publiques de près de 40 000 euros. Elle s’est elle-même rapprochée de partis plus « respectables » en vue des élections européennes.
Un accord était même presque trouvé entre le FN, le parti populiste islamophobe des Pays-Bas de Geert Wilders, et la Ligue italienne du Nord. Mais il n’y aura pas de candidat commun de l’extrême droite européenne– FN, le FPÖ autrichien et le Vlams Beelang belge – pour la présidence de la Commission européenne, et ce pour des raisons « démocratiques ».
Si une vision commune se dégage sur le rétablissement de la souveraineté des Etats membres et la maîtrise de leurs frontières, l’opposition à l’euro et l’arrêt des négociations avec la Turquie, les divergences sont plus fortes. Comme sur l’Etat-nation. Les questions de représentation et de personne ont fait échouer le projet.
Selon certains chercheurs, 12 partis d’extrême droite des 28 pays pourraient avoir des élus dans le nouveau Parlement. Le score pourrait s’élever à près de 34 eurodéputés. Assez pour avoir un groupe. Trop hétérogènes néanmoins, ces formations ne sont pas prêtes à en former un. Et ces élus ne représenteraient somme toute que 4 % du Parlement.