L’Appel de la Fraternité
Le 30 juin 2018, la LICRA, représentée par son Président Mario Stasi, a participé au lancement de l’Appel de la Fraternité initié par le Grand Orient de France et son Grand Maître Philippe Foussier. Parmi les premiers signataires de cet appel Caroline Fourest, Tania de Montaigne (journaliste et essayiste), Mathilda May, Georges-Marc Benamou, Emmanuel Pierrat, Emilie Frèche, Alexandre Urwicz (Association des Familles Homoparentales), Nicolas Noguier (Le Refuge), Pierre Juston (juriste, université de Toulouse), Hocine Drouiche (imam de Nîmes), Marika Bret (Charlie Hebdo), Cindy Léoni (CESE), Laurent Kupferman (essayiste), Sihem Habchi (ancienne présidente de Ni Putes ni Soumises).
Vous aussi, vous pouvez nous rejoindre et signer cet appel en cliquant ici
Le texte de l’appel
“La dérive est déjà ancienne. Depuis des années, de glissements en glissements, l’idéologie différentialiste, de droite comme de gauche, se fait entendre. Elle a les honneurs des médias, et des tribunes. Elle est même en passe de devenir, devant trop de passivité, l’idéologie dominante.
Le racisme avance, l’antisémitisme ressurgit, l’homophobie s’installe, l’indifférence aux plus faibles s’étend ; depuis trop longtemps, nous avons laissé se répandre sans réagir le poison du repli. Depuis trop longtemps, les entrepreneurs identitaires attisent ces haines qui enferment l’individu dans le ressentiment et atomisent nos sociétés. L’ignorance est leur carburant, notre passivité leur opportunité.
Assez ! L’heure de la contre-attaque a sonné. La fraternité est en danger. Sauvons la fraternité !
Négligée, oubliée, piétinée, cette valeur indépassable est pourtant le pilier de notre triptyque républicain. Sans fraternité, il n’est point de liberté pleine et entière, ni d’égalité réelle. La fraternité a fait !’Histoire de notre République. Elle demeure notre horizon commun. Elle est surtout notre oxygène quotidien. Parce qu’une multitude de menaces nous en privent, notre société étouffe.
Comment évoquer cet idéal rassembleur lorsque la montée du nationalisme et des communautarismes, fondés sur des appartenances ethniques ou religieuses, font exploser notre pacte républicain ? « L’égoïsme et la haine ont seuls une patrie, la fraternité n’en a pas!», osait Lamartine.
Face à tous ces pyromanes et autres apprentis sorciers obsédés par les racines, la race, la religion, l’orientation sexuelle, il nous faut donc réaffirmer une conception de l’humanité qui transcende les héritages biologiques, sociaux, culturels et religieux.
Nous devons restaurer l’universalisme républicain qui seul libère l’individu et bâtit le collectif. Nous devons revivifier ce beau concept de famille humaine traduit juridiquement dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme dont nous célébrons cette année le 70ème anniversaire.
Oui, ce qui nous rassemble est plus fort que ce qui nous distingue.
La fraternité n’est pas que l’indispensable solidarité avec les plus fragiles, elle est la condition d’un cadre commun qui permet l’émancipation de tous. Face aux assignations identitaires, affirmons cet idéal qui garantit l’égalité des droits. C’est la fraternité qui nous rassemble et qui sera, demain, le ciment de la construction d’une société pacifiée, plus juste et plus solidaire.
La fraternité est en danger. Sauvons la fraternité ! Il y a urgence ! »
L’intervention de Mario Stasi, président de la LICRA
Mario Stasi est intervenu particulièrement sur la question des réfugiés en rappelant à la fois les principes qui devraient guider l’action publique et les actions qui doivent être engagées sur cette question :
“On entend partout, dans les médias, sur les estrades, au parlement, sur les perrons des ministères qui nous devons faire face à une crise des réfugiés. On nous serine cette ritournelle pernicieuse selon laquelle les réfugiés seraient un problème pour la France et pour l’Europe. Nous nous trompons lourdement sur le diagnostic.
S’il existe une crise, c’est celle de la fraternité, c’est celle de la France et de l’Europe. Oui, la fraternité, ce vent qui porte la solidarité des peuples, est en crise. S’il existe un problème, c’est celui de nous voir incapables d’être à la hauteur de notre histoire, des valeurs dont nous nous gargarisons. S’il existe un drame, ce n’est pas celui de nations riches qui seraient submergées par les migrants mais bien celui de populations accablées par le dénuement mises sur la route de l’exil et déracinées.
(…) Sommes-nous si inconscients de notre Histoire que nous restons inertes devant la mécanique de haine qui de nouveau secoue l’Europe, en Hongrie, en Allemagne et en Italie, où le gouvernement actuel, reposant sur une alliance entre une carpe d’extrême-droite et un lapin d’extrême-gauche, en moins de trois semaines, a exclu les francs-maçons du gouvernement, s’en est pris aux droits des homosexuels, a proposé de ficher les Roms et a vu le nom d’un fasciste raciste et antisémite attribué à une rue de Rome ?
Toutes ces questions en appellent une plus profonde : quelle France et quelle Europe voulons-nous ? Dans quelle pays, dans quelle Europe voulons-nous vivre ? Nous ne pouvons pas nous résoudre à cette fatalité selon laquelle tout ce qui a été construit avant nous serait brutalement anéanti à la faveur d’une «étrange défaite » concédée sans coup férir au rejet de l’autre et de la xénophobie.
(…) Il nous faut mener ici et maintenant la bataille de l’accueil des réfugiés et porter partout où nous le pouvons des propositions pour construire une véritable politique de l’accueil et de l’intégration dans notre pays. Si nous avons le devoir d’accueillir les réfugiés, nous avons le devoir de le faire pleinement. Rien ne serait pire que de reproduire les erreurs du passé.
La première mesure à prendre pour ne pas les abandonner au bord de la route passe par l’apprentissage du français. Au delà de l’apprentissage de la langue, la question cruciale est aussi celle de l’emploi et donc de la formation professionnelle. Enfin, la mesure la plus importante pour faciliter l’intégration des réfugiés est sans doute leur dispersion sur l’ensemble du territoire national, y compris dans les zones rurales et péri-urbaines comme l’a fait l’Allemagne depuis 2016. C’est à la LICRA une constante sur ces questions depuis plus de 80 ans. En 1933, Bernard Lecache, notre président fondateur, avait très bien identifié les risques politiques liées à l’afflux, au même endroit, de populations étrangères et écrivait au président de la SDN que « cet afflux considérable de réfugiés provoque dans ces pays un danger de xénophobie qu’il importe d’écarter et nous estimons qu’il est du devoir de la SDN d’assurer une équitable répartition de ces « fugitifs”, entre tous les pays qui en sont membres, de manière à ce que la présence de ces réfugiés ne puisse donner sujet à aucun mécontentement ». C’est dans la mixité des populations que l’intégration des réfugiés trouvera une solution concrète et efficace.