L’attitude des religions et des idéologies vis à vis des femmes est l’un des signes les plus pertinents de leur éventuelle ouverture à la modernité. On peut légitimement se demander si les religions n’ont pas contribué largement à assoir la domination masculine en percevant la femme comme un homme fragile dont la pureté est toujours sujette à caution. Accréditant l’idée qu’il existe une différence de nature entre l’homme et la femme; elles en ont fait un être prétendument doté d’autres qualités que l’homme pour mieux lui assigner une place seconde sinon secondaire. Cette distinction semble s’enraciner dans cette notion d’impureté, le prétexte des périodes menstruelles étant évoqué pour faire d’elle un être par nature empêché d’être toujours pur. Cette idée de pureté a fait des ravages. En son nom on a proscrit les femmes, exclu le métissage et l’union des différences ; tous les intégrismes religieux s’en sont réclamés pour inférioriser la femme. Pourtant, la pureté n’est elle pas un mythe contradictoire avec la réalité toujours mélangé, fragile et discordante de la vie ? Le désir de pureté porté par un vecteur idéologique et par une machine politique exploite la passion intolérante du fanatisme et relève de l’assurance doctrinaire pratiquée par les intégristes. Dans intégrisme il y a intégrité qui renvoie à une certaine pureté. Dans n’importe quelle société de Saint -Just à Khomeiny, de Savonarole au Fis algérien, quand la pureté est aux commandes, l’intégrisme et son cortège de meurtres triomphent .Si le judaïsme et le christianisme n’ont pas sur le fond abandonné cette sacralisation de la pureté, ils ont pris en compte une certaine modernité qui les contraint à acquiescer au moins extérieurement à l’autonomie et à la liberté des femmes. La liberté d’avortement ne passe toujours pas, le droit au divorce reste contesté et la mère est préférée à l’amante. Aujourd’hui encore, les hommes et les femmes sont toujours sépaarés à la synogogue et les femmes ne peuvent pas devenir prêtre ni rabbin sauf quelques rares exceptions (judaïsme libéral).
Mais le combat des femmes a permis que nos sociétés laïques imposent quelques progrès en matière d’égalité : droit de vote (seulement depuis 70 ans en France!), droit familial, droit d’héritage, droit de disposer de son corps.
Il n’en est pas de même en terre d’Islam où la charia n’est pas tendre avec les femmes soumises à leurs maris, à leurs pères ou à leurs frères. Elles ne peuvent même pas revendiquer une part égale à celle du mâle en matière d’héritage. Sur le plan des dispositions juridiques et légales le droit musulman place la femme dans un rapport de dépendance, et la révélation coranique est intervenue dans un milieu arabe fondé sur un système patriarcal. Quelques pays d’Islam par exemple le Maroc et surtout la Tunisie tentent d’échapper à ce déterminisme. La nouvelle Consitution de Tunisie stipule que ” L’État garantit l’égalité des chances entre la femme et l’homme pour assumer les différentes responsabilités et dans tous les domaines.”
Mais, pour ce qui est du témoignage, par exemple, le Coran précise que la parole d’un homme vaut celle de deux femmes car si l’une s’égare,l’autre lui rendra la mémoire. Les codes qui régissent la situation juridique de la femme sont inspirés par la loi coranique et considèrent que la polygamie et la répudiation sont légitimes. Evidemment en France ces prescriptions ne s’ appliquent pas, puisqu’elles se heurtent à notre corpus de lois laïques. Mais tout cela continue cependant à imprégner d’autant plus les consciences que des siècles de domination masculine ont laissé chez nous de terribles stigmates. Aussi le combat antiraciste ne peut qu’épouser la lutte pour l’égalité des femmes et des hommes.
Antoine Spire