Les crimes de l’année 2015, commis au nom de l’Islam, sont la part émergée d’un terrible iceberg : une radicalisation qui enferme chacun dans sa religion, dans sa secte, dans son ghetto. La violence mortifère des djihadistes n’a évidemment pas d’équivalent , mais la peur a contribué à ce que chacun se retire dans sa coquille , dans la chaleur d’un cocon où il peut s’imaginer protégé par le repliement sur les certitudes du groupe auquel il adhère le plus volontiers.
Face à la radicalisation islamiste, il n’est plus suffisant de dire que le phénomène ne concerne pas tous les musulmans. Il impose à tous, musulmans ou non, de lutter contre la radicalisation opérée au nom d’Allah. Comme l’écrit le fondateur du Club XXIéme siècle Hakim el Karaoui dans Le Monde :
“Combattre enfin les fondamentalistes et pas seulement les Djihadistes, car c’est là que se joue le combat, ce serait le plus beau service que la France pourrait rendre à l’Islam”.
Le refus de la science éxégétique et le refus de l’interprétation des textes sacrés, qui – pour certains d’entre eux – appellent non seulement au djihad contre soi même, pour s’améliorer, mais aussi au djihad contre les mécréants qui rejettent la”vraie”foi, ont des conséquences tragiques.
Dans un cocktail étonnant de professionnalisme et d’amateurisme, la mouvance terroriste déploie ses opérations par le biais de petites cellules djihadistes dissiminées dans les pays dits “croisés”. Les thèmes en sont connus et circulent à l’envi sur Internet : haine des juifs, mépris et humiliation des femmes, stigmatisation violente des homosexuels… De jeunes français, musulmans ou convertis (Olivier Roy a sûrement raison de rappeler qu’ils n’ont presque jamais un passé de piété et de pratique religieuse) sont attirés par la radicalité qui leur est proposée. Leur radicalisation se fait autour d’un imaginaire du héros de la violence et de la mort rarement autour de la charia ou des utopies religieuses. Il faut se féliciter de ce que le gouvernement commence à prendre la mesure du phénomène en associant de nombreux professionnels à un travail de prévention de la radicalisation. L’état d’urgence a permis de procéder à près de 8000 signalements et quelques structures de déradicalisation commencent à sortir de terre et se préparent à accueillir les djihadistes de retour de Syrie ou les jeunes radicalisés. Mais la tâche est immense !
Il nous apparaît que les attentats n’ont pas seulement terrorisé une part de la population (la baisse des chiffres de fréquentation de certains lieux de loisir en témoigne) ; ils ont eu pour conséquence une radicalisation généralisée. Sous quelle autre bannière se rassemblent ceux qui ont cru bon aux dernières élections de voter Front national, prétendûment pour arrêter le flux des réfugiés ? Impossible de passer à côté de ces compatriotes qui veulent essayer la politique frontiste “pour changer” et qui radicalisent leur opposition en prétendant à tort que nous serions noyés sous la masse des immigrés (En France le flux a plutôt tendance à se tarir !).
Tous sont frappés par cette peste radicalisatrice. Même les communautés juives ont tendance à se replier sur elles mêmes. Se posant le problème de l’Aliah, elles quittent en nombre l’éducation nationale pour une école confessionnelle qui serait censée mettre leurs enfants à l’abri d’un antisémitisme qui s’aggrave . Tout en comprenant cette autodéfense, n’est il pas essentiel de rappeler le profit que chacun tire d’une vraie confrontation avec l’autre ? La République, sa laïcité, la fraternité qu’elle préconise doivent être prises au mot. Et si nous devenions plus nombreux à lutter contre cette maladie qui gangrène les rapports sociaux ?
Antoine Spire
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