Le web est largement devenu une agora sans limites, gangréné par deux phénomènes.
En premier lieu, le règne de l’anonymat qui transforme le réseau en exutoire de la haine ordinaire, sans crainte de sanctions impossibles. En second lieu, la présence massive des discours extrémistes, racistes, antisémites, homophobes, misogynes, a permis à la « fachosphère » d’asseoir son influence. La crise des réfugiés a offert à ces dérives une visibilité et une audience particulières, cristallisant les discours xénophobes, les peurs et le repli identitaire.
La Licra a pu observer une radicalisation des débats sur les réfugiés ces derniers mois. Deux phénomènes ont accompagné cette aggravation.
Tout d’abord, la crise de Calais a concentré les critiques et a servi de catalyseur à l’agitation des peurs. La présence de 6000 à 8000 migrants et réfugiés sert à entretenir la tension auprès du grand public et à alimenter la peur du « grand remplacement » porté par l’extrême-droite. Lors de la campagne référendaire sur le Brexit, le parti populiste UKIP s’est abondamment appuyé sur les images de Calais pour agiter l’opinion et faire accroire l’idée d’une submersion migratoire. En France, le Front National a très largement instrumentalisé les images de Calais sur les réseaux sociaux avec le même objectif, le tout baignant dans un discours anti-européen et nationaliste.
Ensuite, la concomitance du climat terroriste avec la crise des réfugiés a entraîné un durcissement de la haine sur internet. Au discours traditionnel de l’extrême-droite anti-immigration s’est adjoint l’amalgame « réfugié=musulman=terroriste », stigmatisant particulièrement les populations venues de Syrie et d’Irak, régions où sévit Daesh. Sur cette base, les réseaux ont vu fleurir une revendication : celle de n’accueillir que des réfugiés chrétiens, aussitôt reprise par plusieurs maires de villes françaises comme à Roanne.
La LICRA a choisi de s’investir dans la lutte contre la prolifération des discours de haine qui gangrènent le web et la nécessité de leur régulation en rejoignant le réseau international INACH (The international network against cyber hate). Philippe Schmidt, membre du bureau exécutif de la Licra, en est le président depuis 2009. L’INACH porte ainsi le projet « Kick them back into the sea » qui décortique pays par pays en s’appuyant sur des cas pratiques d’expression de la haine en ligne envers les réfugiés.
Dans ce combat, les antiracistes se trouvent parfois démunis pour faire face à la haine contre les réfugiés. Selon le droit français, constituent des délits les propos qui « incitent à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ». Malheureusement, une personne qui tiendrait des propos du type « Réfugiés dehors ! » est peu susceptible d’être sanctionnée. Les termes de « migrants » ou « réfugiés » ne renvoient ni à une origine, une ethnie, une « race » ou une religion. Dans ce contexte, les géants du social media montrent peu d’enthousiasme à supprimer les contenus anti-réfugiés qui leurs sont signalés.
Livret “Kick them back into the sea” complet en anglais : refugee_report2016-inach-licra