La question des crimes contre l’Humanité s’est invitée dans la campagne et Emmanuel Macron a été amené, encore hier soir, à s’exprimer sur le sujet.
Le 7 avril 1994, il y a tout juste 23 ans, le Rwanda sombrait dans l’horreur. Entre cette date et le mois de juillet 1994, près d’un million de Tutsi furent exterminés.
En 2016, la France a jugé sur son sol trois ressortissants rwandais pour leur participation à ce génocide. Le dernier procès en date est celui de Pascal Simbikangwa, jugé en appel par la Cour d’Assises de Bobigny en décembre 2016, pour sa participation à l’organisation et à la planification des massacres commis à Kigali, capitale du pays. Comme dans tous ces procès, la LICRA s’est constituée partie civile, aux côtés des victimes.
Dans le même temps, le parquet rwandais a fait savoir il y a quelques mois qu’il souhaitait entendre vingt personnalités françaises, afin « de mieux comprendre leur rôle et de décider si elles seront poursuivies ou non ».
Quel paradoxe ! D’un côté, la France fait valoir, à raison, sa compétence universelle en matière de crime contre l’Humanité pour juger des ressortissants rwandais ayant commis des faits criminels dans leur pays. De l’autre, elle est incapable de faire toute la lumière sur la part qu’elle a prise, ou non, dans le génocide.
Depuis plus de vingt ans, des associations, des chercheurs, des témoins réclament que la France s’explique sur ce qu’elle a fait au Rwanda, qu’elle lève le secret défense et rende publics tous les documents diplomatiques, militaires, politiques et financiers se rapportant à l’action de notre pays entre 1990 à 1994 dans la région des grands lacs.
Nous avons en France une expérience particulière du crime contre l’Humanité. Depuis Vichy, nous savons que le silence conduit toujours à nier la souffrance des victimes et que l’absence de réponse génère de la douleur, du ressentiment et de la colère. Nous savons aussi que la manifestation de la vérité libère et apaise. Une fois la justice passée, une fois l’Histoire établie, chacun peut espérer construire une mémoire de paix et de réconciliation.
François Hollande, avant de terminer son mandat, a encore l’occasion de libérer notre pays du poids de ce fardeau. A l’instar du cardinal Decourtray dans l’Affaire Touvier, le courage, l’honneur et la défense de nos valeurs universelles devraient lui commander d’ouvrir les portes et les fenêtres de l’Assemblée Nationale, du Quai d’Orsay, du Ministère de la Défense et de l’Elysée. Il le doit à la mémoire des victimes et à la nécessité historique d’être fidèle à nos idéaux républicains.
Si le Président de la République devait rejeter cette demande, c’est son successeur qui devra alors y répondre. La LICRA demande aux candidats à l’élection présidentielle de donner leur position sur cette question qui touche à la fois à l’honneur de la France et à la considération que nous devons aux victimes des crimes contre l’Humanité.