Loin d’exposer l’esclavage, elle s’empare des codes du théâtre, de sa force cathartique qui s’enracine, nous rappelle Aristote, dans la pitié et la terreur pour nous faire éprouver à notre tour ces sentiments et permettre aux performeurs comme aux « déambulants » d’épurer cette violence et cette horreur que fut l’esclavage racial de notre passé colonial. Soulignons qu’elle répond en ce sens à la sous-représentation dont l’esclavage est l’objet : elle comble, pour la première fois, une absence et un manque.
Faisons en sorte que ce ne soit pas la dernière et que les directeurs de théâtre, des musées, les producteurs de cinéma ne soient pas échaudés par les réactions déplacées et bruyantes de petits groupes qui nuisent à la représentation de cette mémoire noire en croyant la servir.
Et cessons de croire qu’une mémoire chasse l’autre : Exhibit B fait la preuve d’une convergence mémorielle profonde entre l’esclavage et la Shoah car si celle-ci a rendu possible la représentation de l’esclavage, cette installation peut aussi être vue et comprise comme l’un de ses prémisses généalogiques. En témoigne le dernier tableau : le cabinet de curiosités du Dr Fisher, l’un des promoteurs de la « science raciale » nazie où trônaient, en bonne place, des têtes coupées de Hereros, ce peuple africain que le général allemand Lothar Von Trotha, au début du 20ème siècle, entreprit d’exterminer.