Pour la Professeur d’histoire et d’études judaïques à Brown University, il faut aborder la question de l’antisémitisme et celle de l’islamophobie de manière croisée, en étudiant comment les identités des communautés juives et musulmanes se sont construites en France depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale jusqu’à la fin des années 1990.
Maud Mandel propose de remettre en question la polarisation “Juifs/Musulmans” dans la société française, qui apparaît comme acquise et figée aujourd’hui, mais qui est en fait le produit d’une histoire complexe.
Pour l’universitaire, cette histoire se décompose en trois phases :
- La décolonisation et ses effets démographiques, culturels et psychologiques : mouvement sioniste comme ligne de démarcation identitaire, émergence de la catégorie des juifs d’Afrique du Nord dans le discours national français, rancoeurs dues aux différents parcours d’intégration dans la société française.
- Le mouvement de Mai 68 et ses conséquences : récupération de la cause palestinienne par l’extrême gauche, début d’une polarisation “Juifs/Arabes” au miroir du conflit israélo-palestinien.
- L’essor et le déclin du multicultiralisme à partir des années 1980 : début d’un travail de coopération “inter-ethnique” avec le mouvement Beur et la popularisation du concept de multiculturalisme par les associations antiracistes et le gouvernement socialiste, puis délitement de ce mouvement avec la première Intifada de la fin des années 1980 au début des années 1990.
Les thèses de Maud Mandel ont été discutées par Abdellali Hajjat, Maître de conférences en science politique à l’Université Paris-Ouest Nanterre, Nonna Mayer, Directrice de recherche émérite au CNRS et Jean-Philippe Dedieu, chercheur à l’Institut de recherche interdisciplinaire sur les enjeux sociaux de l’EHESS.
Les interventions des discutants, ainsi que celles du public, ont porté sur des questions d’historiographie, ainsi que sur l’actualité de l’antisémitisme, du racisme, et de la force destructrice des préjugés contre les juifs et les musulmans. Pour Maud Mandel, la société française est le résultat d’une histoire des communautés et des mémoires extrêmement complexe et unique en son genre.
> Voir le résumé du livre de Maud Mandel (anglais)
> Lire l’interview de Maud Mandel sur le site web de La Vie des Idées