A l’initiative d’un collectif de 27 associations et syndicats, le pasteur Martin Luther King était invité à s’exprimer à Lyon le 29 mars 1966, dans les murs bondés de la Bourse du Travail. Une commémoration se tenait à Lyon cette semaine, à la faveur de laquelle Alain Blum, président de la LICRA Rhône-Alpes, représentait Alain Jakubowicz et s’est exprimé aux côtés des témoins.
La venue de Martin Luther King à Lyon intervint en ce mois de mars 1966 dans un contexte particulier : la «question noire» agite la société américaine, quasiment jour pour jour un an après la marche pour les droits civiques de Selma, du 21 au 25 mars 1965, à la faveur de laquelle le pasteur de Montgomery parvint à rassembler 35 000 personnes pour la défense des droits des afro-américains.
La LICA de l’époque, membre de ce collectif de 27 associations aux côtés du Cercle pour la Liberté de la Culture de Robert Vial, a pris une part active dans la venue de Martin Luther King à Lyon. Pierre Lévy, alors secrétaire général de la Fédération du Rhône de la LICA, Pierre Picard, son président et Henri Ravouna, son vice-président, ont été parmi les chevilles ouvrières de cette venue historique, aux côtés de militants infatigables comme le Docteur Marc Aron, René Nodot ou encore Jules Zederman.
Dès le début des années 50, la LICA s’est engagée sous l’impulsion de Bernard Lecache dans la défense des droits civiques des afro-américains. Cet engagement reposait alors sur une conviction profonde, celle que le combat antiraciste est un combat universel, celui de ceux qui, pour reprendre le mot de Lamartine, sont « de la couleur de ceux qu’on persécute ». Cet engagement s’est développé sous l’égide d’une militante exceptionnelle, Joséphine Baker. Dès 1955, lors de l’affaire Emmett Till, du nom de cet adolescent afro-américain qui fut brutalement lynché et assassiné dans la région du delta du Mississippi aux Etats-Unis, Josephine Baker participe à un meeting de la LICA à l’invitation du président de la LICA Bernard Lecache. Son engagement redouble après le second acquittement de l’assassin de Till, Josephine Baker dénonce un système qui a érigé en acte légal le lynchage des noirs américains. En mai 1957, Joséphine Baker devient la figure centrale de la 4ème tournée de la LICA dans toute la France. Le 2 avril à l’Opéra de Montpellier, accompagnée de Jo Bouillon, Georges Delbos et du commandant Jallois, Joséphine Baker réunit plus de 1000 personnes autour de la cause antiraciste. Durant toute l’année 1957, Joséphine Baker se mobilise ainsi à la faveur de plus de 60 réunions publiques en France, en Belgique, ainsi qu’au Danemark et au Luxembourg avant de rejoindre Dakar et Abidjan.
Mais le message de Martin Luther King à la Bourse du Travail à Lyon a largement dépassé les préoccupations du moment et une phrase a un écho particulier dans la période que nous traversons : « Le monde est maintenant si petit, disait alors Luther King, qu’aucune nation ne peut plus se contenter d’observer le malheur des autres sans rien faire. En bref, une injustice, où qu’elle se produise, est une menace pour la justice partout ailleurs. »
Cet engagement nous rappelle les devoirs qui portent nos valeurs. La fraternité nous oblige, elle nous engage. C’est l’honneur d’une Nation d’accueillir ses frères persécutés et pourchassés pour ce qu’ils sont. Ce que nous avons fait pour les juifs fuyant le nazisme, pour les républicains espagnols, pour les boat-people ou les exilés chiliens, nous devons être capables de le faire pour nos frères du Moyen-Orient aujourd’hui ensanglanté par un nouveau totalitarisme, celui de Daesh. C’est aussi notre devoir d’hommes et de femmes libres attachés aux droits humains attachés à toute personne, indépendamment de son origine, de sa couleur, de sa religion, de ses convictions.